Sarkozades

J’ai bien conscience de céder à une certaine facilité en revenant à peine deux jours plus tard sur les déclarations de celui qui se prétend en toute modestie le chef de l’opposition. Que voulez-vous, cet homme-là est la providence du chroniqueur en mal d’inspiration. Tout comme nous avons connu les Raffarinades en écho aux Mazarinades, nous avons désormais nos Sarkozades quasi journalières. Dans un premier temps, je voulais rendre hommage à sa délicatesse, lui qui n’a pas voulu mêler mon nom de famille à une de ses formules pourtant passée dans le langage courant. Je lui sais donc gré d’avoir substitué la salade au séné pour l’échanger avec la rhubarbe.

Ça m’aurait dérangé, je l’avoue, d’être indirectement mêlé en quoi que ce soit aux déclarations par ailleurs très contestables du néologiste distingué qu’est l’ancien président. Par ailleurs, vendre des salades, c’est un peu son fonds de commerce, non ? Après sa brillante prestation sur France 2 puis son discours de la main tendue aux électeurs du Front national, il poursuivait son one man show sur France Inter. Et là, il s’était mis en mode mielleux pour répondre aux auditeurs, même les plus sceptiques à son égard. Ça donnait à peu près ça : « merci, Michel, de m’avoir posé, Michel, cette question, Michel, ça me donne, Michel, l’occasion, Michel, de vous, Michel, répondre, Michel,  en toute, Michel, franchise, Michel, et honnêteté, Michel ». À mon humble avis, il a dû suivre une formation accélérée de vente, où on lui a enseigné quelques techniques pour être proche du client. Cela ne compense évidemment pas les longues années où il a boycotté la princesse de Clèves et la culture en général.

Il met donc les bouchées doubles pour rattraper son retard, au point d’enrichir son vocabulaire et le nôtre en inventant des mots qui ne sont pas (encore) dans le dictionnaire. L’histoire retiendra que c’est le 9 décembre 2015 au matin qu’a été créé le mot tourneboussolé pour qualifier l’état d’esprit des électeurs de gauche après le premier tour des régionales. Mine de rien, c’est assez rare que l’on puisse dater avec autant de précision la naissance d’un mot. Le seul problème, c’est que sa carrière risque d’être assez courte et que l’expression pourrait atterrir assez rapidement dans les poubelles de l’histoire avec son auteur. À moins qu’il ne rejoigne son collègue et prédécesseur à l’Académie française pour l’ensemble de son œuvre ?