La barrière de la langue

Après l’échange plus que musclé entre les dirigeants américains et le président Zelinsky, dans lequel Donald Trump et JD Vance se sont relayés pour une séance de punching-ball (en anglais dans le texte), je voudrais revenir sur une phrase énoncée par le président des États-Unis sur les relations entre son pays et l’Europe, qui me parait assez exemplaire de la dégradation de nos relations avec ceux que l’on hésite désormais à appeler nos alliés et encore moins nos amis. La presse française a rapporté ces propos sous la forme de : « l’Europe a été créée pour emmerder les États-Unis », ou quelquefois, « pour l’entuber ».

En version originale, Donald Trump a déclaré, je cite, « EU was formed to screw USA », ce qui introduit avec le verbe To screw, visser, une connotation très vulgaire qui cadre avec le personnage que veut incarner le président américain. On ne saurait mieux exprimer le dédain et l’agacement de Donald Trump vis-à-vis de l’Europe, qui a l’outrecuidance de former un marché autonome, rival des États-Unis sur le plan économique, et qui soutient largement la comparaison, puisque la balance commerciale penche nettement en faveur des produits du vieux continent. C’est d’ailleurs pour cette raison que Trump a annoncé le relèvement de 25 % des droits de douane sur les importations. Il doit s’attendre à une réciprocité automatique de l’Union européenne, qui serre désormais les rangs devant l’attitude inamicale du président américain. Les effets cumulés de cette décision protectionniste entraîneront mécaniquement un appauvrissement des deux parties, qui pourrait amener Donald Trump à revoir sa position, comme il l’a déjà fait avec le Canada et le Mexique.

Ce n’est pas la première fois que les relations s’enveniment entre Europe et USA. En 2014, sous la présidence Obama et une administration démocrate, une conversation téléphonique enregistrée à l’insu des protagonistes, révélait l’opinion profonde de Victoria Nuland, alors Secrétaire d’État adjointe des États-Unis chargée des relations avec l’Europe, en s’écriant « Fuck the EU! » que l’on peut traduire librement par : « que l’Union européenne aille se faire foutre », à propos, déjà, de la situation en Ukraine. Paradoxalement, les attaques en règle contre Zelensky, qui ont reçu un accueil mitigé aux États-Unis mêmes, ont mobilisé les énergies contre elles dans les pays de l’UE et même au-delà, comme l’indique la présence du Premier ministre canadien, Justin Trudeau, au sommet de Londres. La création d’une force de défense européenne sous une forme à définir ne semble plus être une totale utopie, avec la participation de la France et du Royaume uni pour la dissuasion nucléaire, et le soutien de l’Allemagne notamment. Il restera à s’affranchir de la barrière de la langue et des traditions des différents pays pour fédérer des éléments pour l’instant disparates.