La grande muette
- Détails
- Catégorie : Diabloguiste
- Publié le samedi 30 décembre 2023 10:49
- Écrit par Claude Séné
C’est le surnom traditionnellement associé à l’armée, réputée pour ne laver son linge sale qu’en famille, fût-elle recomposée. Faudra-t-il élargir son champ d’action au milieu de la cuisine et de la restauration ? Ce n’est pas impossible. Nous savions déjà que l’organisation des « équipes » dans le milieu hôtelier était souvent inspirée par des principes proches du fait militaire, où l’on sait que la discipline fait la force principale des armées. À lui seul, le terme de « brigade » résume assez bien les relations entre les personnes supposées œuvrer en commun pour la qualité du repas qui sera servi au client.
Dans une brigade, il y a plusieurs parties, dirigées par un chef ou parfois des sous-chefs, dont les prérogatives sont limitées à un seul et parfois minuscule domaine de compétences, dont il est difficile de sortir. On peut avoir reçu une formation polyvalente et rester cantonné toute sa carrière à la fabrication d’un seul plat, comme cet ami qui a fini par démissionner au bout de plusieurs années passées à ne confectionner que les mêmes et sempiternelles escalopes milanaises. Mais ce n’est pas le pire. Cette organisation paramilitaire peut être le prétexte à des comportements de violence à l’égard des plus faibles ou des plus vulnérables, les jeunes en formation, ou les femmes, comme dans d’autres professions. Depuis les abus de langage jusqu’aux comportements déplacés, il existe encore des endroits où, sous couvert de plaisanteries ou de « bizutage », des pratiques répréhensibles se perpétuent.
C’est ainsi que l’on a appris par un article du journal régional Sud Ouest, qu’un « incident préoccupant » se serait déroulé dans un palace de Biarritz ce mois-ci, en présence du chef étoilé qui dirige la cuisine de l’établissement. Un commis aurait été molesté et humilié dans le cadre d’un bizutage. Ce chef a démissionné récemment, après la diffusion sur les réseaux sociaux des images choquantes montrant le traitement réservé à ce jeune commis de cuisine, lui aussi parti travailler sous d’autres cieux que l’on espère plus cléments et conformes à une morale élémentaire de respect des êtres humains. Ce qui est troublant, c’est aussi l’omerta, la loi du silence, qui entoure cette affaire, gravissime pour les personnes concernées. Le principal intéressé, victime de ce qui semble bel et bien une forme de bizutage, n’a pas déposé plainte, semblant vouloir minimiser les faits et les considérer comme d’innocentes plaisanteries. Ce qui n’est pas l’avis du parquet de Bayonne, qui s’est saisi de l’affaire. Quant au chef, il nie tout en bloc, et se déclare hostile à ce genre de pratique dégradante en toutes circonstances. De son côté, l’employeur, un groupe international bien connu, aurait mené son enquête interne et poussé le chef vers la sortie. Ici, comme ailleurs, la règle semble être de « circuler, il n’y a rien à voir ».
Commentaires