Petit-lait
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- Catégorie : Diabloguiste
- Publié le mardi 12 décembre 2023 10:51
- Écrit par Claude Séné
Nom masculin, liquide résiduel restant après la coagulation du lait. « Boire du petit-lait », éprouver une grande satisfaction, comparable à celle du nourrisson quand il tète sa mère. Autant je ne suis pas un adepte du petit-lait au sens propre de la fabrication du fromage, autant je dois confesser m’être réjoui de la mine déconfite de Gérald Darmanin en entendant l’annonce du scrutin sur le rejet sans débats de sa loi sur l’immigration dont il nous rebat les oreilles depuis plus d’un an. Malgré tous ses efforts pour ne pas montrer son immense déception, chacun a pu observer son expression dépitée après un échec personnel qui pourrait lui coûter la pole position dans la course à l’investiture présidentielle.
Je n’ai pas non plus été insensible à l’apparence imperturbable de la présidente de l’Assemblée nationale lisant les résultats du vote en cachant soigneusement, mais visiblement ses émotions, alors qu’elle appartient à feu la majorité présidentielle, qui est la deuxième victime de ce revers. Car, derrière cet échec personnel du ministre de l’Intérieur, c’est toute la stratégie d’Emmanuel Macron et ses passages en force successifs qui sont mis à mal. Le ministre et le président ne s’y sont d’ailleurs pas trompés et nous ont gratifiés d’une petite pantomime semblable aux scénarios des enfants dans une cour de récréation : « on dirait que tu me présenterais ta démission, et que moi, je la refuserais… » La blague a fait la soirée, avec une réunion de crise à la clé, mais le problème reste entier. Que faire de ce texte, ni fait, ni à faire, qui tentait d’unir des contraires ? faut-il changer non seulement le ministre, mais l’essentiel ou la totalité du gouvernement en saisissant l’occasion de se débarrasser d’une Première ministre devenue encombrante ? Ou bien, plus radical encore, faire trancher le conflit par les électeurs ? Emmanuel Macron peut, s’il le souhaite, dissoudre l’Assemblée nationale, et s’exposer ainsi à un raz-de-marée du Rassemblement national et à une cohabitation pour « purger » l’hypothèque des présidentielles de 2017.
Ou bien, s’il lui reste une once de lucidité, devant un tel désaveu, il peut se retirer de ses fonctions et convoquer de nouvelles élections présidentielles sans attendre le terme de son mandat. Nous avons eu suffisamment le temps de cerner le personnage depuis son accession au pouvoir pour savoir que son ambition dévorante le poussera à se maintenir contre vents et marées. Avant ce camouflet, auquel il ne s’attendait visiblement pas, il avait déjà annoncé une « initiative » pour le début de l’année prochaine. Il va désormais être obligé de lui donner un contenu, quel qu’il soit, et tirer un nouveau lapin de son chapeau. Paradoxalement, le texte retoqué par une majorité de députés pourrait être finalement adopté sans vote grâce au sempiternel 49,3. Alors, tant que je le peux, je savoure.
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