Quand la ministre défaille
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- Catégorie : Diabloguiste
- Publié le lundi 11 décembre 2023 10:52
- Écrit par Claude Séné
Ou peut-être devrais-je dire quand Aurore Bergé déraille. Car cette militante disciplinée a été nommée ministre des Solidarités et des Familles, en principe, pour mettre en place une politique destinée à les aider, et la première mesure qu’elle envisage, c’est de s’attaquer aux parents qui seraient, selon elle, « défaillants », avec une conception de la solidarité pour le moins particulière. Si j’ai bien tout compris, il s’agirait de sanctionner les parents des enfants délinquants, soit en les astreignant à des travaux d’intérêt général, soit en les pénalisant financièrement d’une façon ou d’une autre. Qui peut croire que taper les plus pauvres au portefeuille est de nature à faire baisser la délinquance juvénile ?
Pour faire bon poids et répondre par avance aux critiques justifiées qui ne manqueront pas de se faire entendre, le pouvoir en place annonce en parallèle la création d’une commission d’experts dont on espère qu’elle ne servira pas seulement à fournir une caution morale et un alibi scientifique à une politique essentiellement répressive et punitive. La commission réunira des démographes, des magistrats, des philosophes et sera présidée par Hélène Roques, auteure de « Sauvons nos enfants » et Serge Hefez, pédopsychiatre spécialiste des thérapies familiales. Ce dernier a déjà annoncé un objectif ambitieux à cette commission en se donnant pour tâche d’aider les familles, parents et enfants, à mieux surmonter les difficultés, en prenant ses distances avec les mesures coercitives déjà annoncées par ailleurs. Il apparait d’ores et déjà que ces philosophies sont très largement incompatibles. Si le « en même temps » peut parfois être assumé politiquement, dans une relation d’aide, il faut choisir son camp. Et ce ne peut pas être celui du « qui aime bien châtie bien ». Ni les jeunes ni leurs familles ne peuvent entendre un discours uniquement répressif ne tenant aucun compte de leurs réalités quotidiennes.
La ministre est visiblement en service commandé pour donner une image de fermeté, qu’elle partage ou non les valeurs incarnées par certains de ses collègues, avec lesquelles elle doit être « raccord ». Je ne donne pas beaucoup plus que la fin de l’année avant que des divergences apparaissent au grand jour entre la commission et celle qui la met en place. Il m’étonnerait beaucoup que Serge Hefez soit prêt à manger son chapeau et à cautionner des sanctions, aussi inefficaces qu’injustes socialement. J’imagine qu’il espère que sa voix aura une certaine portée dans la société et fera avancer, même si c’est très peu, la perception du public du travail restant à faire pour améliorer une situation explosive, dont les révoltes sociales sont la manifestation la plus visible. Le psychiatre appréciera sûrement la magnifique dénégation de la ministre, affirmant haut et fort qu’elle n’est « ni ringard ni réac », ou comment un démenti vaut confirmation.