Glasnost et perestroïka

La mort du chef de la milice Wagner, Evgueni Prigogine, au cours du crash de son avion dans des circonstances troublantes, m’a fait penser à ce slogan mis en avant dans les années 80 par le dernier président de l’Union soviétique, Mickhaïl Gorbatchev, avant son effondrement. La glasnost, littéralement la transparence, est sans doute ce qui caractérise le moins le pouvoir de Wladimir Poutine, qui s’est appliqué à museler toute forme d’opposition, et notamment la presse quand elle s’est avisée de vouloir rendre compte des évènements sans passer par la censure officielle.

Il est donc tout à fait inhabituel que l’information concernant la mort du chef de la milice ait été confirmée aussi rapidement, et qu’il soit d’ores et déjà prévu un prélèvement d’ADN pour authentifier la dépouille de celui qui avait osé marcher sur Moscou en défiant son camarade président, avant de renoncer de façon inexplicable. Un tel affront ne pouvait pas rester impuni. Jusqu’au président des États-Unis, Joe Biden, qui conseillait la plus grande prudence à l’ancien cuisinier de Poutine dans son régime alimentaire. Et c’est là qu’intervient la transparence, à la sauce poutinienne. Comment faire en sorte que le monde entier, et particulièrement l’opinion russe n’ait pas le moindre doute sur le fait que la disparition d’un « traitre » tel que Prigogine était nécessairement la vengeance du chef du Kremlin, tout en évitant de reconnaître que le pouvoir vient de commettre un nouvel assassinat pur et simple, au mépris de toute convention internationale, et du droit national qui s’applique à tout citoyen, fut-il le chef suprême de la nation. Le pouvoir russe n’a même pas cherché à accuser son ennemi ukrainien ni aucune forme d’ingérence étrangère, qui aurait laissé un doute sur sa capacité à contrôler son propre espace aérien.

Quant à la perestroïka, cette politique de réformes, annoncée par Gorbatchev, il faudra attendre encore un peu. L’autocrate du Kremlin sort renforcé de cette séquence de Wagner qui a fait vaciller le pouvoir, du moins dans l’immédiat. Il a écarté un rival potentiel et sécurisé les élections présidentielles de mars 2024, si tant est qu’il pouvait craindre quelque forme de concurrence qu’une fraude ne puisse empêcher. Cependant, à terme, sa position s’est affaiblie. Il a dû se séparer d’une partie de son propre camp, ce qui est souvent le début de la fin. La guerre s’enlise et il est de moins en moins certain de pouvoir la gagner. Enfin, comble de l’humiliation, la sonde russe envoyée dans l’espace s’est écrasée sur la Lune, tandis que l’Inde a réussi son alunissage, matérialisant une supériorité technique qui ramène la Russie au rang d’une puissance subalterne. Les rêves de grandeur et du retour de la Russie éternelle en ont pris un coup.