Quand le moment sera venu
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- Catégorie : Diabloguiste
- Publié le samedi 29 juillet 2023 10:55
- Écrit par Claude Séné
Le garde des Sceaux, ministre de la Justice, Éric Dupond-Moretti, récemment confirmé dans ses fonctions au sein du gouvernement, devra donc comparaître comme prévu devant la Cour de Justice de la République pour répondre d’accusations de prise illégale d’intérêts. Ce sera la première fois qu’une telle procédure sera menée à l’encontre d’un ministre encore en exercice, et pour des faits relevant directement de son action ministérielle. Les avocats du ministre avaient fait appel de cette saisine en déposant 8 pourvois en cassation, seule la perquisition menée au ministère a été annulée pour un vice de forme, mais d’autres éléments de preuves permettent de poursuivre la procédure.
Le ministre, nécessairement mis en difficulté par cette décision de la Cour de cassation, a indiqué qu’il s’exprimerait « quand le moment sera venu », ce qui signifie que pour lui ce n’est pas encore le cas, et que l’on peut comprendre entre les lignes que le plus tard sera le mieux. Une opinion que devrait partager le plus haut sommet de l’état, qui se serait bien passé d’un tel retentissement médiatique au moment où les relations entre police et justice se tendent à nouveau avec les mises en détention provisoire de deux policiers. Emmanuel Macron aurait pu saisir l’occasion du remaniement pour changer son ministre, mais a-t-il dans sa manche un candidat sérieux pour pourvoir le poste ? Il se laisse peut-être le temps de la réflexion et d’une refonte plus large du gouvernement, d’ici au procès qui ne devrait pas se tenir avant la fin de l’année 2023 ou le début de 2024.
Bien entendu, comme tout justiciable, Éric Dupond-Moretti est présumé innocent jusqu’à preuve du contraire, et il bénéficie des conseils d’avocats de grand renom et de grand talent, mais l’exécutif prend un risque démesuré en le laissant en fonction. Il a déjà été amené à se déporter des procédures qui l’opposent à certains magistrats pour des affaires antérieures à son entrée au gouvernement. Il aurait dû le faire dès le début, et l’on peut se demander si sa nomination n’était pas, dès le début, une erreur de casting. Les conflits d’intérêts sont une plaie de notre vie politique, et une source constante de soupçons de favoritisme ou de règlements de comptes. Avec la procédure visant un ministre de la justice que l’on sait très pugnace et combatif, dont le seul surnom : « acquittator » était tout un programme, on peut imaginer que c’est la CJR elle-même qui pourrait passer un mauvais quart d’heure. Comme l’avait promis François Hollande, les ministres pourraient à l’avenir comparaître devant les mêmes juridictions que les autres citoyens, en fonction des faits qui leur seraient reprochés. Pas sûr que les jugements soient plus cléments pour autant, et ce ne serait que justice.