Je ne suis pas une classe moyenne
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- Catégorie : Diabloguiste
- Publié le mercredi 26 avril 2023 11:12
- Écrit par Claude Séné
Ou alors, si, mais je ne ressemble pas beaucoup à ceux que l’on qualifiera de classes moyennes supérieures, dont le pouvoir d’achat est sans commune mesure avec le mien, alors que je le trouve à peu près suffisant par rapport à des besoins relativement raisonnables. Je suis pourtant l’objet de toutes les attentions d’un président et d’un gouvernement en quête de rédemption et qui s’imaginent que les électeurs d’antan reviendront s’ils y trouvent leur intérêt. Le dernier avatar de ce calcul clientéliste, après le « plan Marshall » en faveur des classes moyennes soutenu par Gabriel Attal, consiste à lancer un site intitulé : « en avoir pour mes impôts ».
Cela a le mérite d’être clair. On tire un trait sur la notion de solidarité et de redistribution généralement attachée à l’existence même des impôts, en particulier ceux sur le revenu, au profit d’un calcul purement comptable, qui me rappelle l’attitude de Margaret Thatcher qui voulait, elle aussi, en avoir pour son argent vis-à-vis de l’Union européenne. Il est pourtant évident que l’état a besoin d’argent pour financer ses fonctions régaliennes, et qu’il s’appuie pour cela sur la fiscalité. Ce gouvernement met l’accent sur la baisse voulue des impôts « directs », les plus justes, car indexés sur les moyens des contribuables, au profit des impôts « indirects » tels que la TVA, acquittée par tout le monde au même niveau, sauf par les petits malins qui sont parfois de gros fraudeurs, tolérés par le système. Alors je ne vais pas manifester pour payer à nouveau la taxe d’habitation comme autrefois, ou la redevance télévisuelle, mais cet argent aurait pu servir ailleurs et notamment à compenser un peu les injustices persistantes de notre société.
Il fut un temps où l’on parlait volontiers de « Français moyen », la vague yéyé en avait fait un hymne avec Sheila, petite fille de Français moyen. Cette notion statistique n’avait qu’un intérêt relatif, car Monsieur Dupont n’existait pas. Qu’appelle-t-on aujourd’hui la classe moyenne ? C’est simple, voire simpliste. On coupe les deux bouts de l’omelette : les 20 % les plus aisés d’un côté, les 30 % les plus pauvres de l’autre. Il reste une bonne grosse majorité disparate de 50 % de la population, sur laquelle s’appuyer pour une politique modérée à l’usage d’une néo bourgeoisie conservatrice. Ce sont ces électeurs qu’il faut faire revenir au bercail, selon l’entourage du président, en allant au-devant de leur supposée aversion pour les impôts. Ce calcul démagogique pourrait bien se révéler perdant, car tout le monde, à l’exception de certains politiques, va faire ses courses et constate une érosion continuelle de son pouvoir d’achat, même les classes les moins défavorisées, qui ont, elles aussi, une sensation de déclassement. Tout le monde compte, dit Michel-Édouard Leclerc, et il connait son sujet. Tous les euros au-dessus du seuil de pauvreté comptent, et la question de l’inflation s’invite déjà dans le débat politique.