Les raisons de la colère
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- Catégorie : Diabloguiste
- Publié le dimanche 23 avril 2023 10:14
- Écrit par L'invitée du dimanche
Rappel rapide* sur le sens de ce sentiment de base, exprimée pour manifester un courroux, une irritation, une exaspération, en réaction à une situation jugée mauvaise, source de frustration, de blessures, d’humiliation. Au-delà de la colère individuelle, quand elle saisit tout un peuple, elle est une ressource d’énergie vitale, et un signal qui devrait alerter ceux ou celui contre lesquels elle est dirigée, pour l’Abbé Pierre, elle est une vertu. On la dit mauvaise conseillère, peut-être, mais on l’estime parfois légitime. Alors, elle sert à garantir notre liberté, notre dignité, notre respect, notre place dans les relations humaines.
Colère et violence sont parfois hélas associées, surtout quand la contestation qu’elle entraîne, explose dans une violence populaire en réponse à la violence politique et policière ! La procession, la marche des manifestants, c’est un moyen d’apaisement, une occasion de sublimer les peurs, de cristalliser la colère par le contact, mais c’est aussi un événement imprévisible, entre fête et violence, allégresse et ressentiment.
La colère des gilets jaunes en 2018 a été déclenchée à l’annonce de l’augmentation des carburants, celle d’aujourd’hui est due au refus d’une réforme par plus 70 % des Français, faisant remonter d’autres causes, telles que les réductions de prestations sociales, le montant des retraites insuffisant, le délabrement des structures de santé, une inflation réduisant le pouvoir d’achat… une lutte des classes de plus en plus prégnante, face à l’orgie des ultrariches !
Mais où va cette colère ? Son destin, c’est de trouver sa forme dans un projet, au risque de dégénérer en vengeance, ressentiment… Lénine aussi bien que Mao Tse Toung se disaient « entrepreneurs de colère », pour construire leur projet révolutionnaire. Durant la commune en 1870, dans une espèce de kermesse folle, la colère était devenue joie, et la violence, parodie. En 1903, la Russie a détourné la colère populaire contre les juifs devenus boucs émissaires ! Le destin de la colère cultivant le ressentiment pour l’autre, peut engendrer le pire comme le fascisme, système capable d’asservir un peuple à tel point qu’on peut abuser de lui pour en asservir d’autres… suprême adresse. On la retrouve partout dans des séries de crises anachroniques.
Ce que revendiquent aujourd’hui les citoyens, c’est leur légitimité à coconstruire l’action publique, face à un gouvernement arrogant, atteint d’une surdité profonde qui interprète et parfois bafoue à son profit une constitution discutable. César, du temps des Romains, proposait du pain et des jeux pour calmer la colère populaire, aujourd’hui, le pouvoir distribue des miettes, fait quelques promesses creuses et peu claires sur les salaires des enseignants par exemple, il va peut-être encore proposer des conventions citoyennes dont il ne tiendra aucun compte, autant quelques carottes, de propositions d’enfumage comme en 2018 pour sortir de la crise des gilets jaunes, pour calmer cette colère collective qui j’espère ne s’éteindra pas, même si on lui enlève « les instruments sonores portatifs » pour manifester. On attend une proposition constructive pour sortir de ce monologue de sourds ! La Ve République est malade, le peuple vigilant est à son chevet !
« L’homme ne devient réellement homme que par un acte de désobéissance et de science, c’est-à-dire par la révolte et la pensée » Bakounine.
L’invitée du dimanche
* billet du 31 juillet 2016
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