Monologue de sourd

La formule n’est pas de moi, mais je la fais mienne sans état d’âme. C’est la conclusion d’un chercheur, spécialiste d’Emmanuel Macron, qui a ainsi qualifié le discours du chef de l’état quand il s’est adressé aux Français lundi dernier pour essayer de « tourner la page » de la catastrophique réforme des retraites rejetée massivement par les principaux intéressés. Cet homme, qui prétend prôner le dialogue et la concertation, ne tient en réalité aucun compte de ses interlocuteurs. Nous en avons eu la preuve, si elle était nécessaire, au cours de son déplacement mouvementé à Sélestat.

Suivant en cela, je présume, un plan de communication concocté à prix d’or par une quelconque agence privée, le président s’est lancé dans une opération « reconquête » de l’opinion, en allant au contact de citoyens triés sur le volet pour les convertir publiquement à sa politique et les guérir d’écrouelles imaginaires. Las ! la campagne a fait faux-bond et l’opération, long feu. En Alsace, le président a été accueilli par des huées et des concerts improvisés de « dispositifs sonores portatifs ». Et le pire de tout, de simples citoyens, qui ne sont rien, ont réussi à lui clouer le bec. Un premier lui a demandé : « on n’en veut pas, de votre réforme, qu’est-ce que vous ne comprenez pas là-dedans ? » et une autre manifestante lui a coupé la parole, l’amenant à renoncer à la convaincre, à constater à mi-voix qu’elle ne souhaitait pas l’écouter, suprême humiliation, et l’obliger à rompre là, sans conserver le beau rôle et le dernier mot auxquels il est accoutumé. La Première ministre et les quelques ministres qui ont tenté d’affronter la grogne et la vindicte populaire ayant subi le même accueil, le pouvoir a jugé préférable d’arrêter les frais et de renoncer à de si périlleux déplacements.

Le président a cependant répondu aux questions des lecteurs du Parisien, pour défendre une nouvelle fois ce qui semble la prémisse d’un bilan très médiocre. En guise d’autocritique, il faudra se contenter d’un vague mea culpa, le président estimant qu’il aurait peut-être dû « se mouiller » davantage pour promouvoir la réforme des retraites. L’expérience démontre au contraire que ses « bains de foule » ont eu un effet contre-productif, et que plus il défendait son projet, plus les Français le rejetaient. Ce qu’il ne veut pas comprendre, c’est que l’opinion s’est retournée contre lui, et le rend responsable, non seulement de devoir travailler deux ans de plus, mais de payer plus cher pour tout, du carburant à l’électricité, sans même parler des fruits et légumes devenus hors de prix. Les belles paroles entendues cent fois ne suffisent plus aux Français : comment ferait-il en cent jours ce qu’il n’a pas réussi en 6 ans ? C’est pourtant lui-même qui a fixé la date de son Waterloo personnel : le 14 juillet 2023.