Affaires internes

Ou comment laver son linge sale en famille ? Cela n’aura été une surprise que pour les plus naïfs d’entre nous. L’inspection générale de la gendarmerie nationale, l’IGGN, vient de rendre son rapport sur l’usage présumé abusif de lanceur de balles de défense par deux gendarmes lors de la manifestation contre le projet de mégabassine de Sainte-Soline le 25 mars dernier. Et devinez quoi ? La hiérarchie a conclu que les deux militaires auteurs des tirs « n’avaient commis aucune faute » et avaient agi « en situation de légitime défense ». La preuve irréfutable de leur innocence est basée sur leur propre témoignage, qui ne peut évidemment pas être contesté, même s’il revient en l’occurrence à être juge et partie.

Pour des raisons évidentes de sécurité, l’usage des LBD est strictement réglementé, et il est explicitement interdit de tirer à partir d’un véhicule en mouvement. Or, les gendarmes ont reconnu avoir effectué un tir depuis un quad en train de rouler, et un autre à l’arrêt. La première erreur a été d’équiper des quads avec des armes potentiellement létales et d’imaginer une manœuvre expérimentale de dispersion de manifestants basée sur une prise de risque inconsidéré à la fois pour les manifestants et les forces de l’ordre. Après avoir nié l’utilisation d’armes de guerre, le ministre de l’Intérieur a dû la reconnaître, admettant ainsi un mensonge ou une insuffisance de connaissance de la situation, gravissime à ce degré de responsabilité. La défenseure des droits, Claire Hédon, s’est autosaisie de la situation alors que deux manifestants étaient dans un état grave, dont un est toujours plongé dans le coma, tandis que la Ligue des droits de l’Homme s’est émue de l’utilisation en elle-même des quads et de la stratégie des forces de l’ordre. Une prise de position qui lui a valu une menace à peine voilée de suppression des subventions perçues par l’association de la part de Gérald Darmanin.

Tous ces abus ne font que démontrer la nécessité urgente d’un contrôle indépendant des forces chargées du maintien de l’ordre public. Les responsables hiérarchiques des gendarmes et des policiers, à commencer par le ministre lui-même, n’ont qu’une envie, celle d’innocenter leurs troupes, qui font un travail difficile, en « couvrant » les dérapages, les erreurs, voire les fautes commises dans l’exercice de leurs fonctions. Comment pourraient-ils être impartiaux vis-à-vis de leurs collègues ? À chaque fois qu’il se produit une violence policière, les personnalités politiques sont sommées publiquement de dénoncer les fauteurs de troubles, systématiquement associés à la gauche, extrême par définition, et de conclure à l’innocence des forces de maintien de l’ordre. On aboutit ainsi à un glissement vers une situation « à l’américaine » assurant une forme d’impunité liée à l’uniforme ou à la fonction.