Tournez manège
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- Catégorie : Diabloguiste
- Publié le dimanche 4 décembre 2022 11:06
- Écrit par L'invitée du dimanche
Cadeau des États-Unis, qui en 1955 ont ouvert le premier Disneyland, la France compte maintenant un nombre important de ce que l’on appelle parcs d’attractions qui se font une concurrence féroce… l’objectif étant d’attirer une clientèle de plus en plus nombreuse.
Pour ce faire, elles n’hésitent pas à investir des millions dans des structures offrant au public des occasions de jouer avec des sensations ultimes. Celle qui est au rendez-vous c’est le vertige occasionné par la montée du vide, procurant une impression épouvantable, mais grisante, mélangée d’angoisse et de triomphe.
Cette recherche du vertige est vieille comme le monde et pratiquée sur tous les continents : les derviches tourneurs, les voladores, en sont l’illustration, les prouesses des trapézistes, des voltigeurs, s’expliquent par l’attrait du vide, les manèges pour enfants, la valse, l’acrobatie moderne… le trouble du vertige est recherché pour lui-même, cela fait partie des processus de civilisation. Roger Caillois dans son étude « les jeux et les hommes », considère que le vertige est une partie intégrante de la nature, c’est une catégorie limite dont il faut se méfier des périls et de ses substituts modernes.
Le vertige est une constante dans les conduites à risque des jeunes, fascination dont l’intensité se paye parfois par la chute, l’accident, l’intoxication, l’overdose, le défi de la vitesse associée au vacarme des engins, il étourdit les sens. L’exploration de l’alcool est une recherche relativement contrôlée du vertige, recherché délibérément pour lui-même, dès 15 ans et demi !
Le jeu du foulard, le saut à l’élastique, pratiques qui ne résistent pas à l’attrait du vertige « on n’est pas tombé, mais on a manqué tomber » crée une sorte d’aliénation ou d’intoxication.
Dans son classement des quatre catégories de jeux, compétition, hasard, simulacre et vertige, Roger Caillois associe le simulacre et le vertige qui ont été repoussés à la périphérie de la vie publique, et limités à des jeux de cirque, aux fêtes, aux machines, au théâtre.
Ce qui surprend le plus quand on entre dans un parc d’attractions, c’est le niveau des cris provoqués par les loopings, la tête à l’envers, les pieds dans le vide, à des vitesses pouvant attendre jusqu’à 240 km/h pour le plus grand manège aux émirats, mais à une moyenne de 107 km/h avec 51 m de chute. Ces réactions d’effroi sont provoquées par la perturbation de l’oreille interne, véritable boussole de l’équilibre du cerveau qui n’a plus le temps de se synchroniser, par la provocation d’arythmie cardiaque, qui peuvent conduire jusqu’à ne plus distinguer les couleurs, par une accélération de la fréquence respiratoire, parfois par la perte de connaissance !
Rien de tout cela n’empêche les parcs d’être des destinations touristiques populaires, fréquentés par des familles qui viennent se fabriquer des souvenirs, profiter de l’ingénierie de pointe, partager du plaisir avec les enfants, s’échapper du quotidien, plonger dans un autre monde, trouver un dépaysement garanti… malgré le prix de la journée !
Même la guerre n’échappe pas au vertige, dans la résurgence des tohu-bohu antiques qui entrainent une extase assez puissante qui peut précipiter à tout moment une foule dans quelques monstrueuses fantaisies !!!
À tout prendre, je conseillerai à mes lecteurs de rechercher plutôt « le vertige de l’amour » bien qu’il ne soit peut être pas sans danger non plus.
L’invitée du dimanche