Je veux ma réforme, na !

Ça ressemble furieusement à un gros caprice. Le petit Emmanuel semble toujours frustré depuis l’abandon forcé de son grand projet de réforme des retraites basé sur une répartition par points, avec lequel il se voyait déjà laisser une marque indélébile dans le paysage des relations sociales. Il croyait jouer sur du velours avec l’appui du syndicat majoritaire, la CFDT, et son secrétaire général, lui aussi abusé par des rêves de grandeur, au point de brader son droit d’aînesse contre un plat de lentilles. En pratique, le projet de retraite dite « universelle » s’est révélé quasi impraticable en raison de sa complexité et la crise sanitaire du Covid 19 a achevé de le fracasser et a contraint le président à renoncer à son jouet.

Mais le petit Manu n’avait pas dit son dernier mot. Puisque la grande réforme ne passerait pas, il tenait à en faire une « petite », une réforme « paramétrique » comme le disent les experts, qui était pourtant vouée aux gémonies du temps où il espérait encore fourguer son usine à gaz. Il se contenterait de faire travailler les Français jusqu’à 65 ans, le seul paramètre réellement modifiable, sauf à déclencher une nouvelle crise de gilets jaunes, ou oranges, ou que sais-je, en baissant le niveau des pensions. Ou pire, en se fâchant avec les patrons en relevant le niveau des cotisations. Mais le code a changé depuis le début du deuxième quinquennat. L’assemblée n’est plus à la botte du gouvernement. On est prié de lui parler poliment pour tenter des alliances de circonstance, fussent-elles contre nature. Et les Français, selon les sondages, sont hostiles à cette réforme pour les trois quarts d’entre eux. Sans compter les syndicats unanimement contre le projet en l’état. D’ailleurs, certains en contestent jusqu’à la nécessité. Selon les projections des uns ou des autres, non seulement le déficit de 100 milliards évoqué par la Première ministre ne serait pas atteint, mais il serait contenu dans les limites actuelles, voire moins, et donc tout à fait supportable. Il n’y aurait en tout cas aucune urgence à prendre des mesures, pour le seul intérêt de flatter l’égo du président.

Sans compter que c’est bien beau de retarder le départ à la retraite, encore faut-il que les salariés les plus âgés puissent travailler alors qu’après 50 ans il est difficile de retrouver du travail. Le « bénéfice » attendu de cette mesure pourrait être absorbé par les indemnités de chômage supplémentaires, et les arrêts maladie de salariés fragiles, usés par leurs conditions de travail. Alors que l’objectif serait de diminuer les déficits publics, nous pourrions assister à un simple déplacement de charges d’un budget à un autre, au détriment des salariés. Allez, déconne pas, Manu ! Il est encore temps de renoncer.