Bonne décision, mauvaise raison

Caroline Cayeux, ministre des collectivités territoriales, a donc été démissionnée du gouvernement, sur proposition de la première ministre, et son acceptation par le président de la république. Enfin, serait-on tenté de dire. Caroline Cayeux, c’est cette ministre qui a défrayé la chronique, il n’y a pas si longtemps par des déclarations intempestives sur les homosexuels, qualifiés de « ces gens-là ». Des propos qu’elle a tenté de faire passer pour des maladresses, alors que son engagement passé en faveur de la Manif’ pour tous trahit des positions homophobes de longue date. Alors que le président laissait la situation pourrir gentiment, tablant sur le fait, avéré, que les Français ne connaissaient pas leurs ministres, à quelques exceptions près, voilà que surgit une nouvelle affaire.

Cette fois, c’est la Haute autorité pour la transparence de la vie publique qui a épinglé la ministre sur le montant de ses déclarations de patrimoine, jugées sous-évaluées, ce que conteste l’ex-ministre. Se drapant dans sa dignité offensée, elle se déclare outragée par la suspicion que fait peser la HATVP sur son honnêteté. Pour un peu, elle accuserait le juge de partialité. Elle maintient donc ses déclarations, à tous les sens du terme, et se saisit de ce prétexte pour présenter une démission honorable à ses yeux, et, elle l’espère, à ceux des Français. Il me semble que si la fameuse commission chargée de la vérification des déclarations des membres du gouvernement existe, c’est bien parce que des précédents ont mis en lumière la tendance à sous-évaluer son patrimoine quand on exerce des responsabilités. Remettre en question l’impartialité de cette instance, à moins d’en apporter des preuves, est une atteinte à la démocratie. Elle se place elle-même dans une situation impossible, qui veut que pour la croire on soit obligé d’attaquer une institution de contrôle qui est et doit rester indépendante.

La plupart des cas de ce type sont d’ailleurs ignorés du public. De même qu’un redressement fiscal, si la bonne foi est retenue, le justiciable se contente de rectifier sa déclaration pour tenir compte des observations de l’administration. Par orgueil, ou par maladresse, encore, Caroline Cayeux aurait présenté sa démission à la suite de ces nouveaux démêlés. C’est un secret de polichinelle que les démissions « volontaires » des ministres sont en réalité directement inspirées par le chef de l’état. Emmanuel Macron aura voulu sanctionner Caroline Cayeux à retardement pour ses positions homophobes, alors qu’il a soutenu Agnès Pannier-Runacher récemment mise en cause pour de possibles conflits d’intérêts. N’oublions pas non plus que l’actuel président, quand il était simple ministre de l’économie, avait lui aussi été soupçonné dans la presse d’une sous-évaluation de patrimoine, ce qui n’a rien d’infâmant en soi. Mais ça commence à faire beaucoup de suspicions.