Le président philosophe
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- Catégorie : Diabloguiste
- Publié le mercredi 23 novembre 2022 10:55
- Écrit par Claude Séné
Cette année, le président Macron a décidé de snober le congrès de l’Association des maires de France, où les chefs de l’état en exercice avaient l’habitude de prononcer un discours. Une tradition qu’il avait lui-même respectée l’an dernier, mais dont visiblement il n’était pas entièrement satisfait. On sait qu’Emmanuel Macron n’apprécie pas vraiment la moindre forme de contre-pouvoir qui pourrait gêner ses prises de décisions et l’AMF est présidée par David Lisnard, des Républicains, qui entend bien ne lui faire aucun cadeau et critique fermement la politique du président sur les finances locales. En lieu et place du discours traditionnel, Emmanuel Macron a programmé une longue déambulation au salon commercial qui accompagne le congrès, à la manière d’Aristote, qui enseignait en marchant avec ses élèves au Lycée d’Athènes.
Cette nouveauté est tout sauf anodine. C’est une manière de garder l’initiative, de choisir ses interlocuteurs et de surplomber l’échange tout en feignant de le démocratiser. Un peu à l’image de la décentralisation, qu’il qualifie lui-même de fausse, tout en continuant à réduire les maires au rôle d’exécutants en les plaçant dans un carcan financier qui oblige la plupart d’entre eux à quémander des aides pour boucler leurs fins de mois. Même une ville riche comme Paris est amenée à renier la promesse de campagne de ne pas augmenter les impôts et va devoir doubler le montant de la taxe foncière. Lorsque l’état ampute les communes d’une ressource importante comme la taxe d’habitation, il s’engage en général à compenser la perte « à l’euro près ». C’est parfois vrai au début, mais chacun sait qu’inexorablement un décalage se produira. Et ce serait oublier un peu vite que les communes, comme les particuliers, sont soumises à l’inflation, et à l’explosion du coût de l’énergie, qu’elles subissent elles aussi de plein fouet. Sans compter que les collectivités locales sont en première ligne pour faire face à la transition écologique et énergétique.
Là aussi, Emmanuel Macron tente la calinothérapie en appliquant aux communes la politique du chéquier, comme pour les particuliers, que l’on maintient sous perfusion et assistance respiratoire, plutôt que s’attaquer aux inégalités, sources de ce déséquilibre. C’est ainsi que l’état va augmenter, légèrement, la « dotation globale de fonctionnement », allouée aux communes pauvres, sans toutefois rattraper l’inflation. Il va aussi débloquer des prêts à concurrence de 5 milliards jusqu’en 2026, dont 1,2 milliard cette année. Le président s’adressera bien néanmoins aux maires présents au congrès, mais à l’Élysée, sous forme d’une réception, laissant le soin à Élisabeth Borne de clôturer le congrès jeudi soir. On attend avec intérêt la prochaine trouvaille des communicants pour faire mousser le président philosophe. Après l’école péripatéticienne, aurons-nous droit à la maïeutique socratique, qui nous fera accoucher de notre esprit français ?