Corrida : qui aime bien châtie bien

La culture espagnole m’a toujours intéressé depuis que j’ai choisi cette langue comme 2e option après l’anglais, incontournable, mais que je n’ai jamais réussi à maîtriser. Au cours de quelques séjours au pays de Cervantès et de Lorca, il m’est arrivé d’assister à des corridas, et j’ai appris des rudiments de la tauromachie à la fois grâce à Ernest Hemingway, grand aficionado devant l’éternel, ou à des ouvrages spécialisés décrivant et expliquant le déroulement de cette sorte de grand-messe qui voit l’affrontement de l’homme et du taureau à cinq heures du soir devant un public exigeant et connaisseur.

Il est indéniable que cette cérémonie a tout pour subjuguer le spectateur : la musique qui accompagne les différentes étapes du combat, le décorum, depuis l’habit de lumière que revêt le torero, jusqu’au caparaçon qui protège le cheval portant le picador, en passant par les centaines de mouchoirs blancs agités par les spectateurs quand la prestation du matador est de qualité pour réclamer des trophées, et le ballet exécuté par l’homme pour diriger et dévier la charge furieuse de l’animal sauvage qu’est un taureau de combat. Ce spectacle époustouflant n’a cependant qu’une finalité, celle de la mise à mort codifiée d’un taureau en respectant des règles fixées par l’homme, pour son plaisir. Que cela existe depuis la nuit des temps et constitue une tradition ne change rien à cet état de fait. Le taureau souffre et son sacrifice devient objet de jouissance. Au fond, il n’y a guère de différence avec les jeux du cirque de la Rome antique, qui se terminaient souvent par la mort du gladiateur, et il ne viendrait pourtant à l’idée de personne de les rétablir au nom d’une tradition ancestrale.

Vous l’aurez compris, je suis partagé entre la beauté sauvage d’un spectacle dont l’aspect artistique et la violence même ont un côté fascinant, et la raison qui veut qu’une société civilisée ne perpétue pas une telle pratique. Ce qui me surprend davantage encore, c’est que la corrida soit le prétexte à rassembler des défenseurs que tout devrait opposer entre eux, et qui annoncent déjà qu’ils vont continuer à s’écharper sur tous les autres sujets dès que cette question sera tranchée à l’Assemblée nationale. On a pu voir ainsi côte à côte des députés du rassemblement national et des élus de la majorité dans un rassemblement au sud de la France pour défendre la corrida. Par ailleurs, deux cents élus, dont Bruno Retailleau, se sont rejoints pour signer une tribune publiée dans le journal du dimanche pour réclamer le maintien des courses de taureaux en France et faire face à ce qu’ils appellent « l’écototalitarisme ». Un néologisme de plus, forgé de toutes pièces pour désigner un concept totalement imaginaire. La proposition d’Aymeric Caron devrait être mise aux voix jeudi, mais sera probablement rejetée par un cartel des droites.