Le bal des faux-culs

Après 20 jours de mer à bord de l’Ocean Viking, le navire de SOS méditerranée, les 230 migrants ont enfin pu débarquer ce matin dans le port de Toulon, après avoir demandé, en vain, l’accueil dans un port italien, selon le droit international. D’après la déclaration du ministre français de l’Intérieur, il s’agit là d’un geste humanitaire qui doit rester exceptionnel. En effet, le président de la République s’est retrouvé piégé dans une situation impossible. Il ne veut pas avoir l’air de céder devant la nouvelle première ministre italienne, ce que ne manquerait pas de lui reprocher la fraction la plus à droite de l’échiquier politique, mais il ne veut pas non plus passer pour un monstre froid, insensible à la détresse humaine.

On touche là les limites du « en même temps » malgré le talent d’équilibriste du chef de l’état. Ce qui est nouveau dans cette situation qui se répète régulièrement, c’est une forme d’unanimisme éminemment suspect. On entend un représentant du Rassemblement national s’apitoyer sur le sort funeste des populations contraintes à l’exil volontaire, pour immédiatement dénoncer le comportement des passeurs et de leurs complices présumés, les ONG. Pas un mot naturellement contre Georgia Meloni, dont le mouvement Fratelli d’Italia, partage les valeurs avec lui. Et Jean-François Copé d’en remettre une couche sur l’urgence à accueillir ces migrants pour les reconduire dans leur pays d’origine le plus vite possible, par humanité et parce que nous ne pouvons pas « accueillir toute la misère du monde ». Et que dire de l’inénarrable Nadine Morano, qui est devenue une experte de la question des migrants grâce au Saint-Esprit et à un voyage apparemment unique en Afrique ? La solution est limpide : adressons-nous à l’organisation de l’unité africaine pour qu’elle s’en charge, tout en versant des larmes de crocodile sur le nombre de victimes qui ne réussissent pas la traversée.

Toutes ces déclarations opportunistes masquent mal un problème réel qui reste posé : l’attraction irrésistible des pays industrialisés pour des populations que l’on dira pudiquement moins favorisées. Le déséquilibre est tel que des personnes désespérées sont prêtes à risquer leur vie pour échapper à leurs conditions d’existence et atteindre un paradis largement hypothétique. Faute de pouvoir tarir la noria de migration à la source, les gouvernements européens gèrent les flux tant bien que mal, et plutôt mal que bien. Les pays les plus proches sont les plus exposés. Les Turcs ont monnayé l’accueil des pays limitrophes, ce qui ne règle rien. Et les Italiens remettent en question un modèle qui les obligerait à recevoir la plus grande partie des candidats à l’immigration, tandis que les autres Européens s’en laveraient plus ou moins les mains. Il serait grand temps de chercher des solutions acceptables par tous.