Coupable ou responsable ?

L’ancienne ministre de la Santé, Agnès Buzyn, comparait aujourd’hui devant la Cour de Justice de la République pour répondre de ses actes dans le traitement de la pandémie du Covid-19, en vue d’une possible mise en examen. Cette convocation soulève de nombreuses questions, presque autant que les 14 500 plaintes qui ont été enregistrées par la CJR, dont 19 au moins ont été jugées recevables, sans préjudice de nouvelles affaires qui pourraient s’y ajouter après la médiatisation de ces premières requêtes. Tout le monde a encore en tête les balbutiements de l’exécutif au début de la pandémie.

Selon les premières déclarations ministérielles, la maladie était minimisée et le port du masque était facultatif en population générale, voire déconseillé au profit de mesures prophylactiques, aujourd’hui considérées comme complémentaires. Une politique largement expliquée par la pénurie de stocks de masques, comme de protections des soignants ou de tests de dépistage par la suite. Le fiasco qui en est résulté peut être dû à l’imprévoyance ou l’incompétence successive des ministres, car on imagine mal une volonté de nuire à la population même si c’est le résultat tangible auquel nous aboutissons. Cette pauvre Agnès Buzyn ne semble pas avoir eu la force de s’opposer à ses collègues et au Président de la République qui lui enjoignaient de tout faire pour rassurer la population. Elle a d’ailleurs vendu la mèche en indiquant avoir prévenu l’Élysée et Matignon du danger en juin 2020, et en admettant qu’elle savait dès la mi-février 2020 que la vague, le tsunami, allait déferler sur la France, alors même que peu de temps auparavant elle annonçait des risques de propagation « faibles ». Sa franchise à retardement pourrait lui coûter cher, elle qui doit répondre non seulement « d’abstention de combattre un sinistre », mais aussi de « mise en danger de la vie d’autrui ».

Les plaintes émanent d’associations, mais aussi directement des victimes, ou de leur famille. Combien de vies auraient pu être épargnées, c’est difficile à chiffrer, mais potentiellement beaucoup. Certains, comme Laurent Berger de la CFDT, préfèreraient une sanction politique, électorale, pour des délits de cette nature. C’est malheureusement impossible comme le démontrent quotidiennement des personnalités aussi contestables que les Balkany, réélus régulièrement dans un fauteuil en dépit des condamnations, grâce à leur clientélisme. Ce qui peut être contesté à juste titre, c’est le choix d’une juridiction dérogatoire au cas général. Si des personnalités politiques commettent des fautes sanctionnables au regard de la loi, que ce soit ou non dans l’exercice de leurs fonctions, ils devraient à mon sens répondre de leurs actes devant les mêmes instances que le commun des citoyens. Ainsi éviterait-on en partie les soupçons de favoritisme, et éviterait-on de creuser encore plus le fossé entre les simples citoyens et les supposées élites, envers qui la méfiance ne cesse de grandir.