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Camus, sa mère et la justice
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- Catégorie : Diabloguiste
- Publié le lundi 26 avril 2021 10:53
- Écrit par Claude Séné
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« Entre la justice et ma mère, je choisis ma mère ». Cette phrase a été attribuée à Albert Camus. Nous savons à présent qu’elle est apocryphe et qu’elle a donc été détournée de son sens premier, beaucoup plus nuancé que cette citation pourrait le faire penser. Il en va de même à mon avis des manifestations qui ont eu lieu ce week-end pour réclamer « justice pour Sarah Halimi », cette femme juive de 65 ans tuée par son voisin en avril 2017, lequel a été déclaré irresponsable pénalement et ne sera donc pas jugé.
Pour embrouiller davantage une affaire déjà au carrefour de plusieurs problématiques complexes, le bruit a couru que l’aliénation du discernement de Kobili Traoré avait été provoquée par l’absorption de substances psychotropes, en l’occurrence du cannabis. Certains politiques ont alors considéré qu’il existait là une faille juridique et qu’il convenait donc de modifier la loi pour condamner les personnes s’exposant volontairement à une perte de contrôle par l’usage de drogues, légales ou non. Il y a un point qui a été reconnu par la justice et qui ne fait pas débat, c’est le caractère antisémite de l’agression commise par l’accusé, qui était pourtant en bons termes avec sa victime jusque-là. Les manifestants ont donc eu raison de protester contre un climat dans lequel il est possible de s’en prendre à des personnes en raison de leur religion ou leur appartenance à une communauté. De ce point de vue, la proposition de la maire de Paris de donner le nom de Sarah Halimi à une rue de la capitale va dans le bon sens.
Concernant la loi, les explications fournies par un des experts psychiatres m’ont parues convaincantes. Kobili Traoré était sous l’emprise de cannabis de façon régulière et quasi constante, mais les troubles qui ont abouti au passage à l’acte auraient été provoqués par une « bouffée délirante », un état mental où le sujet perd totalement le contrôle de ses pensées et de ses actions. Évidemment, un expert peut se tromper, mais le diagnostic a été posé par deux collèges de 3 experts confirmant l’examen initial pratiqué en septembre 2017. Je comprends la frustration de la famille et des proches de la victime, qui n’auront pas la maigre consolation d’une condamnation en règle de la part de l’institution, mais je ne pense pas que revenir sur l’exception d’irresponsabilité des malades mentaux serait un progrès. Cela consisterait à instaurer une forme de justice « sur mesure » comparable à la loi du brave colonel Lynch dans les états du sud des États-Unis. Les positions publiques prises par certains ne me semblent d’ailleurs pas dénuées d’arrière-pensées. La palme de l’hypocrisie me parait devoir être attribuée à un ancien président de la République, absent de la manifestation, mais dont l’épouse prétend qu’il y était représenté grâce à elle.