Révolution

Les gilets jaunes en avaient rêvé, Macron l’a fait. Enfin presque. Ce que réclamaient les contestataires, c’était le retour de l’ISF, l’impôt sur la fortune, et ce qu’il leur offre, c’est le remplacement de l’ENA, école nationale d’administration, par l’ISP, l’institut du service public. Une seule lettre vous manque, et tout est chamboulé. Le rétablissement de l’ISF, bien sûr, c’était surtout symbolique. C’était le signe que l’on cessait enfin de faire de nouveaux cadeaux aux plus privilégiés, même si ça ne rapportait pas assez pour rétablir un semblant de justice sociale.

L’ENA était devenue le totem de l’administration triomphante qui imposait sa loi, essentiellement celle du marché, au peuple des ronds-points. Totalement déconnectée des réalités du terrain, et uniquement destinée à sélectionner les têtes d’œuf les plus performantes pour gérer l’état, depuis l’obscur sous-préfet d’une petite bourgade jusqu’au sommet de la pyramide, incarné par le président de la République. Le classement de sortie, surnommé « la botte », permettait à chacun des heureux élus de choisir le poste correspondant à ses souhaits. Pas de jaloux, à chacun revenait ce que son supposé mérite lui donnait droit. La limite de ce type de système, c’est de privilégier les aptitudes théoriques, les formes d’intelligence livresque qui ne garantissent pas un sens pratique et une certaine efficacité dans la prise de décision. D’où une forme d’interchangeabilité entre les personnes sortant de ce moule unique, pour mettre en œuvre des politiques voisines, où les grandes orientations personnelles font défaut.

Pourquoi est-il si facile de dégoter un quelconque Jean Castex pour diriger la France du jour au lendemain ? Et avant cet illustre inconnu, Édouard Philippe, une autre personnalité ignorée des Français, surgie ex nihilo, et dont on ne connait toujours pas grand-chose après ses 3 ans passés à Matignon ? Tous les deux sont de purs produits de l’ENA, capables de faire de la politique sans politique, et les suivants sur la liste pourraient en faire autant. Peut-on au moins se féliciter de l’efficacité de l’état, à défaut de promouvoir des idées ? Pas vraiment, comme le démontre à l’envi la gestion de la crise sanitaire. Avec un Premier ministre qui se satisfait d’avoir rattrapé une semaine d’avance sur le nouveau plan de vaccination qui entérinait des mois de retard. Avec le constat accablant que la France est le seul grand pays du conseil de sécurité de l’ONU à ne pas avoir réussi à mettre au point son propre vaccin. Avec le manque criant de moyens au service de la Santé, notamment en lits de réanimation. Avec une lenteur exaspérante dans la mise en œuvre des dispositifs de protection, de tests, et jusqu’à récemment, de vaccins…

N’oublions pas non plus au sujet du remplacement de l’ENA par l’ISP qu’en astronomie, une révolution désigne le tour complet réalisé par un corps céleste pour revenir à son pont de départ.