Un drôle de paroissien

Jean-Pierre Mocky est mort. Et l’on ne pourra pas faire appel à lui pour faire son éloge funèbre. Au fur et à mesure qu’il avançait en âge, il voyait disparaître un à un ses plus fidèles complices, tels que Jean Carmet, Jean Rochefort, Jean-Pierre Marielle, Philippe Noiret, Michel Serraut ou André Bourvil. Il avait pris la succession de Jean-Claude Brialy à qui l’on faisait toujours appel, jusqu’à son décès en 2007, pour faire le panégyrique des célébrités trop tôt arrachées à l’affection de leurs proches.

Comme Brialy, Mocky connaissait tout le monde dans le métier, qu’il avait abordé par la porte d’entrée des acteurs avant d’emprunter celle des réalisateurs et de filer, à l’anglaise, par la sortie des artistes. Chaque fois qu’il évoquait la mémoire de ses chers disparus, il les appelait ses copains, et ce n’était pas une figure de style commode pour se faire valoir. Il avait sa bande, mais personne ne se faisait prier pour tourner dans n’importe lequel de ses films. Il en avait d’ailleurs toujours un « sur le feu ». À peine tourné, à peine distribué, le suivant tournait déjà dans sa tête, et il cherchait un financement, le nerf de la guerre étant le principal obstacle à la réalisation des idées dont fourmillait son imagination. Il a fait tourner les plus grands acteurs, qui venaient, de confiance, sans même lire le scénario ni s’intéresser au nombre de lignes de texte ou au cachet, généralement modeste. Des vedettes comme Gérard Depardieu prétendaient que sa cantine était la meilleure de France et qu’ils seraient venus gratuitement, rien que pour la bouffe et pour l’ambiance.

Alors pour être honnête, il faut reconnaître que tous ses films n’ont pas été des chefs d’œuvre. À côté de franches réussites, telles que le paroissien susnommé, « à mort l’arbitre », ou « le miraculé », celui que je préfère entre tous, il a commis aussi quelques nanars, pour faire bouillir la marmite, à la manière d’un Galabru, victime de sa famille nombreuse. Il y avait de bons crus et d’autres, plus quelconques, mais c’étaient toujours des breuvages honnêtes, élevés avec le cœur, pas des crus bourgeois, car Mocky avait la fibre révolutionnaire, voire anarchiste. Tournés dans l’urgence, et même parfois « à l’arrache », ils recèlent des pépites, des moments de vérité volés, des intuitions géniales et des dénonciations notamment des abus de la religion valant tous les discours. C’est ce fonds de commerce que les spectateurs venaient voir, entendre et apprécier. Comme pour Woody Allen ou Pedro Almodovar, on allait voir le dernier Mocky, et l’on était rarement déçu.