L’arme constitutionnelle

La presse s’est abondamment fait l’écho de la décision de Manuel Valls de faire appel à l’article 49 de la constitution dans son alinéa trois, qui permet l’adoption sans vote d’un projet de loi, en l’occurrence la loi Macron, à moins qu’une motion de censure ne soit votée contre le gouvernement. C’est la métaphore guerrière qui a eu les faveurs des commentateurs, puisque les uns ont dit que Valls avait « dégainé » son 49.3 tandis que les autres soulignaient qu’il s’agissait d’un fusil à un coup, puisqu’il ne peut être utilisé qu’une fois par session parlementaire depuis la réforme constitutionnelle de 2009.

 

Donc le gouvernement a dégainé son fusil, de peur de ne pas recueillir suffisamment de voix de députés dans sa propre majorité pour soutenir un texte très controversé, malgré l’appoint de certains centristes et UMP. Comment en est-on arrivé là ? Pour les députés socialistes « orthodoxes », ce sont les frondeurs qui en sont responsables. En désaccord avec la ligne libérale qui semble prévaloir au gouvernement, ils sont passés de l’abstention au vote contre pour se faire entendre. Iront-ils jusqu’à voter la censure contre le gouvernement ? C’est peu probable, car cela ouvrirait une crise institutionnelle ne pouvant théoriquement se résoudre que par une dissolution de l’Assemblée nationale et des élections législatives à coup sûr désastreuses pour leur parti, et pour eux-mêmes par contrecoup. Du point de vue des frondeurs, c’est Manuel Valls qui sème la zizanie en conduisant une politique insuffisamment à gauche, lui dont les idées n’avaient recueilli l’adhésion que de 5 % des militants socialistes lors des primaires de 2011. Des primaires remportées par François Hollande sur le thème de la lutte contre la finance.

En utilisant l’arme constitutionnelle, Manuel Valls achète un sursis, mais donne l’impression de devoir écraser une mouche à l’aide d’un marteau-pilon. De plus, cela ne donne pas une image exemplaire de démocratie quand on en est réduit à imposer une loi qui a été débattue très longuement. À ce compte-là, il aurait été plus économique de procéder par ordonnances, un procédé décrié, mais qui a permis en 1945 de créer la Sécurité sociale que le monde entier nous a longtemps envié. Il reste encore plusieurs mois avant que le congrès du parti socialiste début juin à Poitiers permette une éventuelle clarification idéologique.