La philo au Bac

Si j’avais dû passer l’épreuve de Philosophie de l’édition 2019 du baccalauréat dans la série qui se rapproche le plus de celle qui m’a permis, non sans mal, de décrocher le diplôme qui servait déjà à l’époque de passeport pour l’université, j’aurais été bien embarrassé. Les candidats de la série L, littéraire, avaient le choix entre : « est-il possible d’échapper au temps ? », « à quoi bon expliquer une œuvre d’art ? », ou une explication d’un texte de Hegel, extrait de « Principes de la philosophie du droit ».

Je mettrai de côté l’explication de texte, qui, de tout temps, a servi de refuge aux plus réfractaires à la discipline. Un exercice dans lequel la plupart des étudiants ne brillent guère, tant la tentation de la paraphrase y est omniprésente, mais qui permet en général de limiter les dégâts et d’éviter le pire. La dissertation est plus tentante, elle permet davantage l’expression d’une réflexion personnelle, mais pour cette raison même elle est plus risquée. Et encore faut-il en être capable, au moment voulu et dans le temps imparti. C’est déjà un paradoxe que d’essayer de justifier une position où l’on affirmerait pouvoir échapper au temps, dans le temps contraint de l’épreuve de l’examen. J’imagine qu’à l’âge que j’ai atteint tant bien que mal aujourd’hui, je n’aurais pas la même réponse que celle que j’aurais fournie à 18 ans, quand j’avais la vie devant moi. Et pourtant, quel que soit le temps qu’il nous reste à vivre, il reste tout aussi hypothétique. Et c’est peut-être un bien que cette incertitude, qui nous permet de continuer et d’avancer sans la contrainte du temps qui passe.

Quant aux explications concernant l’art, je crains bien de mériter un zéro pointé. Je ne redoute rien plus qu’un groupe dans un musée, emmené par un guide bavard et intrusif qui m’impose une vision de l’œuvre sans me donner la moindre chance d’y jeter un regard naïf. Je préfère de beaucoup la documentation écrite qui accompagne généralement les tableaux ou les sculptures exposés. Le visiteur est libre de les consulter, d’y puiser les informations qui l’intéressent. Il peut aussi divaguer sans suivre nécessairement le rythme d’un groupe, s’attarder sur un tableau particulier et sauter rapidement un autre. L’objectif est différent si l’on souhaite acquérir des connaissances, dans un but personnel ou professionnel. Un critique de cinéma ne voit évidemment pas le même film que moi, simple spectateur. Et je conçois que l’acculturation apporte de nouveaux éclairages et peut être source de plaisirs esthétiques supplémentaires. Je me contente pour ma part de ressentir des émotions plus simples, mais qui me correspondent davantage.