Circulez, on débat

Il faut reconnaitre que contrairement à ce que j’aurais pu croire personnellement, une part importante de la population s’est saisie de l’occasion qui lui était donnée d’exprimer son avis sur les différents sujets ouverts par la révolte des gilets jaunes. Pour certains, il s’agit essentiellement de faire remonter à la « France d’en haut » les difficultés de la vie quotidienne quand on a du mal à joindre les deux bouts et le sentiment d’être pris pour quantité négligeable. Ce sont principalement des « doléances » comme aux prémices de la Révolution, qui concernent surtout le pouvoir d’achat ou la justice sociale et fiscale.

Pour d’autres, le « grand débat » est l’occasion de pouvoir, pour une fois, exercer une forme de démocratie directe. Ce sont aussi eux qui cherchent à populariser l’idée du référendum d’initiative citoyenne, et à introduire une dose de proportionnelle aux différentes élections. Les uns comme les autres se retrouvent dans la stratégie qui consiste à se saisir de cette opportunité pour faire valoir leur point de vue. Pour une grande part, ils sont très critiques à l’égard du gouvernement et du Président de la République, mais le pouvoir peut se targuer de leur avoir clos le bec en leur permettant de l’ouvrir. Toute décision est forcément reportée à l’issue du débat, qui était programmé pour la mi-mars, mais qui pourrait se prolonger tant le répit qu’il accorde à l’exécutif lui parait salvateur. En tirant un peu sur la ficelle, on pourrait ainsi tenir jusqu’au début de la campagne électorale des Européennes, c’est-à-dire quand la République en marche aura réussi à se doter d’une liste de candidats à moitié crédible et aura décidé de ses alliances avec les libéraux et les conservateurs des autres pays européens.

Le plus dur reste peut-être à venir. Tant que l’on est dans la joyeuse improvisation qui n’est pas sans rappeler l’effervescence de la conquête macronienne du pouvoir, tout va bien. On peut soutenir tout et son contraire, y compris réclamer le retour de la taxe carbone qui a mis le feu aux poudres il y a trois mois. Quand il va falloir traduire en actes les revendications contradictoires qui émergeront du débat, il y aura forcément beaucoup plus de mécontents que de satisfaits, surtout si le Président Macron reste fidèle à sa ligne de conduite en faveur des plus privilégiés. Le débat a servi à acheter du temps, pendant lequel il escompte un ensablement du mouvement de contestation, mais qui tarde à venir. Il faudra bien sortir un jour de l’ambiguïté et je doute que l’illusionniste puisse sortir un autre lapin de son chapeau.

Commentaires  

#1 jacotte86 18-02-2019 10:58
ce grand débat me fait penser à la pêche au leurre , le poisson se laisse séduire par ce qui brille à moins que cela ne soit qu'un miroir aux alouettes ou un attrape nigauds ...quoi qu'il en soit au final on sait bien qui sera "baiser"....
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