Santé bizness
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- Catégorie : Diabloguiste
- Publié le mardi 30 octobre 2018 10:30
- Écrit par Claude Séné
Au 21e siècle, dans un pays développé comme la France, parmi les plus riches de la planète, on ne peut pas être certain de disposer des médicaments permettant de contrôler des maladies telles que Parkinson, parce que de nombreuses spécialités pharmaceutiques manquent à l’appel. En 2017, jusqu’à 530 produits ont été en rupture de stock. Des traitements contre le cancer, l’épilepsie ou certains vaccins sont par moment introuvables. Au point que le vénérable Sénat s’en est ému dans un rapport au début du mois et en viendrait à faire des propositions pour réglementer un marché livré à lui-même.
Le bizness de la santé repose sur une situation de production mondialisée des médicaments, concentrée sur les États-Unis et le Sud-est asiatique, Inde, Chine et Indonésie. Des difficultés de production et certains pays ne seront plus servis en temps et en heure. Surtout, si comme en France, le prix de vente est moins élevé que dans d’autres pays. On peut même imaginer que dans certains cas, la pénurie a été organisée sciemment pour forcer la main des autorités. Le BNCU, employé dans le traitement de tumeurs cérébrales, est ainsi passé de 34 € les 100 g à 900 € après une période de rupture de stock. Quand un laboratoire est en situation de monopole, il essaie d’en profiter au maximum, et il aura tendance à abandonner les brevets en fin de vie pour se consacrer à des produits plus lucratifs. Le changement de formule du Lévothyrox en est un exemple récent.
Dans ce domaine comme dans d’autres, la mondialisation et l’application mécanique de règles de marché sont une catastrophe. À l’évidence, l’argent-roi et la recherche du profit maximal sont antinomiques d’objectifs de santé publique. Vouloir faire des médicaments des produits comme les autres, soumis à la loi de l’offre et de la demande est une stupidité sans nom. La pénurie de médicaments ainsi engendrée n’est que la partie émergée de l’iceberg. On sait déjà que la recherche subit cette logique qui pousse à travailler dans des directions potentiellement rentables, en négligeant les secteurs des maladies dites « orphelines » qui ne rapportent pas assez et demandent beaucoup d’efforts. Et que dire des inégalités profondes de traitement entre les pays riches, qui peuvent payer des traitements de plus en plus coûteux et les pays du Sud, réduits aux médicaments bon marché, quand ce n’est pas au rabais, ou même contrefaits. La santé est un bien trop précieux pour être confiée aux seuls laboratoires. La Suisse par exemple l’a bien compris, qui s’est dotée de son propre laboratoire d’état, capable de produire les médicaments indispensables à son autonomie. Une solution coûteuse, certes, mais un choix responsable.