Instructions civiques
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- Catégorie : Diabloguiste
- Publié le mardi 31 juillet 2018 10:31
- Écrit par Claude Séné
La ministre de la Justice, dont dépend l’administration pénitentiaire, a fait mine de s’offusquer de l’évasion spectaculaire de deux détenus de la maison d’arrêt de Colmar, qui sont sortis de leur cellule, « à l’ancienne », en creusant un trou au plafond pour accéder aux toits et descendre tranquillement le long de la gouttière à l’aide d’une corde de fortune confectionnée avec des draps noués, comme dans les films de gangsters. Nicole Belloubet ne le reconnaîtra jamais évidemment, mais l’évasion généralisée semble le seul moyen de faire diminuer la surpopulation endémique qui sévit dans les prisons françaises.
Dans le cas précis de Colmar, il y avait 166 détenus pour une capacité de 120 places, un surbooking de près de 40 %, courant dans les établissements de ce type. Il faudra bientôt faire la queue pour obtenir une place en détention. Le record de détenus a de nouveau été battu au 1er juillet, avec un total de 70 170 prisonniers, dont 1 667 qui dorment à même le sol sur un matelas. La prison de Colmar fait de son mieux pour faire baisser la moyenne. En 2013, trois détenus se sont déjà fait la belle en utilisant le même procédé et ce n’était pas la première fois. Tant et si bien que sa fermeture est déjà actée et que la nouvelle prison est prévue pour 2021. Car les bons apôtres qui réclament de plus en plus de nouveaux établissements oublient volontairement que nombre des anciennes prisons devraient être rénovées ou remplacées, ce qui amputerait considérablement le budget consacré à cette fuite en avant. Parlons finances, tiens, justement. Les évadés de Colmar font économiser une centaine d’euros par jour à l’état en renonçant à leur hébergement gratuit. En retenant la demi-pension sous forme d’une peine aménagée, les dépenses chuteraient de manière exponentielle, jusqu’à coûter à peine plus de 10 euros par jour pour le port d’un bracelet électronique. Et ne parlons pas des investissements coûteux dans de nouveaux bâtiments.
Si encore le système fonctionnait de façon satisfaisante, on pourrait admettre que la société dépense beaucoup d’argent pour se protéger et écarter momentanément les brebis égarées pour leur permettre de retrouver une place dans la communauté nationale. Force est de constater que la réinsertion reste l’exception, pour des raisons diverses. Bien que chère, la prison reste 5 fois meilleure marché que l’hôpital psychiatrique et recueille donc les laissés pour compte de la médecine quand ils cumulent passage à l’acte délinquant et troubles psychologiques graves pour lesquels aucune prise en charge n’est prévue, ni possible. Quant aux autres, la preuve n’est plus à apporter que si l’on apprend quelque chose en prison, c’est à s’endurcir et à conforter des tendances délictueuses, « l’école du crime » n’est pas un mythe. Il faut désormais y ajouter la radicalisation et l’apprentissage du terrorisme. Vaste programme.