Naufrage collectif
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- Catégorie : Diabloguiste
- Publié le mercredi 13 juin 2018 11:02
- Écrit par Claude Séné
Il y a 50 ans, ce n’était pas seulement un mouvement étudiant et ouvrier qui secouait une France douillettement assoupie sur ses trente glorieuses. C’était aussi une sorte de révolution culturelle qui prenait des formes diverses. L’une d’elles était le mouvement hippie, qui devait débarquer dans les chaumières grâce notamment à la comédie musicale nommée « Hair », en l’honneur du développement capillaire et pileux en vogue à l’époque. La première chanson de la pièce créée à Broadway et reprise partout dans le monde avait pour titre « Aquarius », le signe zodiacal du Verseau, supposé amener une ère de paix universelle.
Il y était question d’alignement des planètes, Jupiter (déjà !) et Mars. Il n’est pas interdit de penser que le bateau affrété par l’Organisation non gouvernementale SOS Méditerranée, doit son nom de baptême à cet idéal de paix, prôné par le pouvoir des fleurs, héritage de mai 68. Ce bateau a recueilli dernièrement 609 migrants, comme il le fait depuis de nombreux mois, mais cette fois, le nouveau gouvernement italien, appliquant le programme des partis qui le soutiennent, refuse de les laisser débarquer sur son territoire. Malte ayant également décliné l’invitation, les autres pays européens, dont la France, s’apprêtaient à se repasser tranquillement la patate chaude quand l’Espagne a sauvé l’honneur européen en acceptant d’ouvrir sa frontière. Coïncidence, c’est un socialiste qui a succédé à Mariano Rajoy, tandis que c’est un nationaliste d’extrême droite qui est ministre italien de l’Intérieur, et que, en France, Macron c’est Macron, ni de gauche, ni de gauche. Quand on a une politique aussi peu généreuse à l’égard des réfugiés, on pourrait imaginer qu’au moins on ravale sa honte et l’on fasse profil bas. C’est mal connaître notre orgueilleux petit coq de basse-cour, qui n’a rien eu de plus pressé que de fustiger l’Italie, coupable de ne pas faire ce que nous aurions dû assumer collectivement depuis longtemps.
Ce que je trouve de plus insupportable, sur ce sujet comme sur beaucoup d’autres, c’est l’abolition de tout discernement et de tout libre arbitre chez les soutiens de ce président, comme aux plus belles heures du gaullisme. Le chef a parlé, publiquement ou non, et tout le monde lui emboîte le pas pour réciter la litanie des « éléments de langage » préparés à la virgule près par les communicants. Que l’on prenne les différents ministres, les députés, les porte-parole du macronisme, jusqu’au chien du président s’il pouvait parler, on nous sert le même gloubi-boulga, un patchwork d’arguments fallacieux ressassés ad nauseam, où la mauvaise foi le dispute au cynisme. Cerise sur le gâteau, Emmanuel Macron reproche aux Italiens de ne pas faire mieux que lui : un comble ! Depuis le temps que l’Europe regarde ailleurs quand les réfugiés se noient, il faudra bien un jour essayer de résoudre dignement la question.