Page blanche

S’il est une angoisse qui est épargnée au chroniqueur dans notre époque moderne, c’est bien celle de la page blanche. On pourrait s’inquiéter d’une actualité un peu atone, dans laquelle ne surnagerait aucune nouvelle franchement passionnante, voire simplement intéressante. Ce serait compter sans l’imagination de nos dirigeants qui s’affairent à occuper le terrain et pour qui le faire savoir compte plus que le savoir-faire. C’est ainsi que le ministre de l’Éducation s’est fendu de 4 circulaires dont l’inutilité le dispute à la mauvaise foi, pour tancer les enseignants supposés anarchistes et flatter les parents à grand renfort de démagogie.

Le premier et principal épouvantail déterré par Mr Blanquer, c’est celui de la méthode d’apprentissage de la lecture. La méthode dite « globale », qui n’est plus utilisée en l’état depuis les années 60 est clouée au pilori, non plus seulement par nostalgie du bon vieux temps des plumes sergent major, mais au nom de la modernité et des travaux de la neuro science, histoire de faire « jeune », branché et dans le coup. Autre signe de progrès, le retour en force de la dictée et du calcul mental. J’attends avec intérêt la réhabilitation de la calligraphie et de la morale, toutes disciplines parfaitement respectables par ailleurs, mais qui ne sont que des instruments au service de la relation maitre-élève, qui est le pivot de tout enseignement.

Jean-Michel Blanquer est le 34e ministre de l’Éducation de la 5e république, si l’on inclut les intérims, dont le plus court a été celui de Georges Pompidou en 1968 pour les raisons que l’on connait. Ce qui donne une moyenne d’exercice inférieure à deux ans. On comprend pourquoi la plupart d’entre eux se sont dépêchés de donner leur nom à une réforme. Rien que dans ma relativement courte carrière, j’ai connu 16 ministres différents, dont un garagiste, profession estimable dont le rapport avec l’enseignement n’apparait pas au premier coup d’œil, et qui ne fut cependant pas le pire. Le résultat le plus clair de cette rotation infernale, c’est que le pouvoir réel dans cette grande machine est exercé par les hauts fonctionnaires et spécialement le corps des Inspecteurs généraux, qui restent en place quand les ministres passent. C’est d’ailleurs de leurs rangs qu’est issu le ministre actuel, qui fut directeur de l’enseignement scolaire auprès de Luc Châtel. Rien d’étonnant donc à ce qu’il soit pointilleux, tatillon, soupçonneux, méfiant, et qu’il s’applique à indiquer aux enseignants le détail de leurs tâches en leur déniant la moindre autonomie, allant jusqu’à préciser la hauteur des carreaux des cahiers destinés aux écoliers, la bonne vieille réglure Sieyès. Je ne serais pas surpris qu’il prône le retour des bons points pour motiver les élèves. Je lui décernerai en retour un zéro pointé pour l’ensemble de son œuvre.

Commentaires  

#2 poucette 27-04-2018 12:11
il se trouve qu'hier soir le ciné passait le film "être plutôt qu'avoir" avec deux collègues intéressants; à se demander si on vit sur la même planète je pense que trop c'est trop;et je plains les débutants sans défenses
Citer
#1 jacotte 86 27-04-2018 11:06
on sait bien tous les deux que sur le terrain les enseignants font leur recherche et choisissent des pédagogies intéressantes (on joue le jeu juste le jour de l'inspection) et encore heureux sinon il n'y aurait pas eu beaucoup de progrès en sciences de l'éducation et Célestin Freinet pourrait se retourner dans sa tombe
Citer