C’est cela, oui !

Il y a des jours où la rédaction des chaînes de télévision doit ressembler au siège de SOS amitié un soir de Noël quand Thierry Lhermitte se demande si le téléphone n’aurait pas été malencontreusement décroché, tant la soirée s’annonce d’un vide désespérant et qu’il prend à témoin Anémone en lui lançant : « c’est quand même très calme, Thérèse » tandis qu’elle lui répond « tant mieux, Pierre ! » C’est en tout cas l’impression que cela donne à l’antenne quand le journal télévisé se traîne et s’étiole, réduit à l’information météo du jour : la crue.

On peut pourtant dire que les chaînes rivalisent de mise en scène pour bien faire toucher du doigt la réalité des inondations. Les journalistes « de terrain » mouillent le maillot en enfilant des tenues adaptées allant des simples bottines aux jambières. Je m’attends au passage à la combinaison intégrale d’une minute à l’autre, voire au scaphandre autonome, même s’il est peu commode en reportage. C’est le jour ou jamais pour un journal télévisé de faire son zouave. Vous savez, le fameux zouave du pont de l’Alma, qui commence les pieds dans l’eau pour une petite crue banale, et finit par se retrouver immergé jusqu’aux genoux, voire plus, comme quand Toto va à la pêche à la grenouille. Un personnage incontournable filmé sous toutes les coutures et notamment celles de la fameuse culotte, suffisamment ample pour y dissimuler la main de ma sœur, qu’elles me pardonnent cette licence poétique. Le gros avantage des crues de la Seine, outre le symbole visuellement parlant du susdit zouave, c’est d’être à deux pas du siège des principales stations parisiennes, ce qui permet d’y faire à peu de frais des duplex avec des équipes réduites.

Comme il faut bien de temps en temps sortir du cocon parisien, nous avons eu droit également à des safaris dans la province profonde, dont les inondations, à défaut de toucher des Franciliens, sont suffisamment spectaculaires pour justifier les risques encourus par les équipes de reportage dépêchées sur place. Et là, à l’instar du Maréchal Mac Mahon, le journaliste s’exclame : « que d’eau ! » ou quelque chose d’approchant, et tend le micro à quelque autochtone qui déclare invariablement que depuis un certain nombre d’années, il n’a jamais vu ça. Une affirmation que l’on peut aisément réutiliser pour la neige, le froid, la canicule, la tempête, les sauterelles ou la misère sur le bas-clergé breton. Ce qui est plus surprenant, c’est que très souvent les interviewés se plaignent de l’incurie des services publics, à qui l’on peut reprocher beaucoup de choses, mais qui sont assez peu responsables des intempéries. À quoi l’on ne peut guère répondre que : « c’est cela, oui ! »