Pouf pouf
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- Catégorie : Diabloguiste
- Publié le vendredi 5 janvier 2018 10:21
- Écrit par Claude Séné
Il était une fois une cigale qui voulait devenir président de la République. Pendant tout l’été de la campagne, elle chanta son programme, promettant tout aux uns, et le contraire aux autres. Et, ma foi, cela marcha tant et si fort qu’elle fut élue et se mit en devoir d’appliquer les mesures annoncées. Tant qu’il s’agissait de prendre un petit peu à chacun pour en donner beaucoup à un petit nombre, cela fonctionna assez bien. Mais quand la bise de l’hiver fut venue, notre président-cigale se trouva quelque peu dépourvu. Parmi ses nombreuses et riches idées, il en était une qui était passée presque inaperçue.
Il ne s’agissait de rien de moins que de remettre en vigueur une tradition abandonnée depuis plus de 20 ans : le service militaire. Ah ! les gaités de l’escadron, les copains de régiment, l’amitié virile avec les rations de drogues légales pour supporter l’inactivité, cela faisait rêver notre cigale qui n’en avait pas bénéficié. Hélas, les fourmis laborieuses qui travaillent pour l’état lui firent remarquer que même réduit à un mois, le fameux service coûterait une petite fortune et que l’armée ne disposait plus des locaux permettant d’accueillir les 800 000 jeunes d’une classe d’âge comme au temps béni de la conscription. Loin de se démonter, le président-cigale déclara : « eh bien, nous allons pouffer ! ». — pouffer, pouffai-je ? — oui, pouffons, rétorqua-t-il sur un ton ne souffrant pas la moindre réplique. Et il convoqua sur-le-champ la ministre des armées, surnommée la Grande Muette, et le ministre de l’Éducation, affublé du sobriquet de « Bonne à tout faire », celle qui, taillable et corvéable à merci, est chargée de pallier toutes les carences de l’état et résoudre les problèmes de société, afin d’endosser les responsabilités dès que quelque chose ne fonctionne pas.
Il leur tint à peu près ce langage, accompagnant du geste la comptine : « Pouf pouf ! » dit-il en désignant le sol à deux reprises, avant de poursuivre en détachant bien les syllabes : « ce sera toi qui organisera le service militaire pour tenir ma promesse de campagne ! » Tout en parlant et en désignant alternativement chacun de ses interlocuteurs, on voyait bien qu’il calculait à toute vitesse sur qui allait tomber la corvée. Voyant que l’armée allait être désignée, il recourait au subterfuge traditionnel en ajoutant : « mais comme le roi Emmanuel et la reine Brigitte ne le veulent pas, ce sera donc toi ! » et son doigt vengeur se portait sur la victime expiatoire, le ministre de l’Éducation, chargé de transformer le projet de fond en comble afin que ça ne coûte rien à l’état pour une inefficacité maximale. Ils furent heureux, et s’ils font des petits, promis, on vous en met un de côté.
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