Le déserteur
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- Catégorie : Diabloguiste
- Publié le mardi 2 janvier 2018 10:28
- Écrit par Claude Séné
Monsieur le Président, je vous fais une lettre que vous lirez peut-être si vous avez le temps. Je viens de recevoir vos vœux pour 2018, et une phrase a particulièrement retenu mon attention. Vous nous proposez de nous demander chaque matin ce que nous pouvons faire pour notre pays. Je vous promets d’y réfléchir. J’imagine qu’en ce qui vous concerne, vous vous faites un devoir d’en faire de même. Je vous en supplie, n’en faites rien. La situation n’est déjà pas trop brillante comme ça et je crains que votre imagination débordante nous entraîne dans de nouveaux désastres.
Il est urgent d’attendre. Je sais que vous mourez d’envie de faire de nouveaux cadeaux à vos amis. Que votre reconnaissance ne vous aveugle pas. S’il faut trouver de l’argent, allez donner le vôtre, vous êtes bon apôtre, Monsieur le Président. Depuis que je suis né, j’ai vu saigner mes frères, qui se sont tant battus pour arracher quelques conquêtes que vous avez balayées d’un revers d’ordonnances. Des générations se sont succédé pour gagner quelques sous, et affirmer une dignité que vous leur déniez à présent en les enfermant dans une précarité sans fin. Vous avez déjà suffisamment fait en quelques mois, Monsieur le Président, je vous demande de vous arrêter. N’y allez pas, refusez d’obéir à la loi du plus riche. N’aggravez pas les souffrances du peuple d’en bas, de ceux qui ne sont rien, et qui pour moi, au contraire, sont tout.
Je regarde la société que vous appelez de vos vœux et je crains le pire. Pour un méritant sauvé des eaux, combien de malheureux laissés sur le bord du chemin ? À chacun selon son mérite semble être la devise de votre bonne conscience qui dort sur ses deux oreilles dans le meilleur des mondes possibles. Et malheur aux vaincus. Malheur aux canards boiteux, à ceux qui concourent avec un handicap, aux désavantagés de la vie. Ils n’ont droit qu’à votre commisération, mais pas à votre solidarité, un gros mot oublié depuis longtemps, absent de votre vocabulaire. C’est pourquoi je vous exhorte à surtout ne plus rien faire du tout qui contribue à aggraver une situation déjà très difficile pour les petits, les obscurs, les sans-grade, le menu peuple grâce auquel vous pouvez vivre dans l’aisance, celui qui a créé les richesses accaparées par vos semblables. Si c’était en mon pouvoir, je déferais ce que vous ont soufflé les émissaires du grand capital. Je devrai me contenter de dénoncer, jour après jour, les funestes projets qui nous ont été annoncés pour 2018, en disant aux gens de refuser de faire cette guerre économique aux plus pauvres, de déserter cette armée qui se croit en marche alors qu’elle ne cesse de battre en retraite sur les vrais enjeux.