Ces petits riens
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- Catégorie : Diabloguiste
- Publié le samedi 30 décembre 2017 11:02
- Écrit par Claude Séné
« Mieux vaut ne penser à rien que ne pas penser du tout » chantait Gainsbourg. On peut se demander à quoi pensait le gouvernement quand il a décidé d’autoriser l’expérimentation de la publicité éphémère sur les trottoirs, et à qui il a voulu faire plaisir. Pas aux municipalités des villes concernées en tous cas. Dans le vieux monde, ce sont les intéressés qui sollicitaient, souvent en vain, l’octroi de faveurs au gré de leurs intérêts. Fi et foin de tout cela ! grâce à Emmanuel Macron, dans le monde nouveau, l’état précède vos désirs.
C’est peut-être un détail pour vous, mais le décret publié par le gouvernement au journal officiel dimanche dernier a été pris sans la moindre concertation avec les communes concernées. Et ça coince. À Nantes, la municipalité a fait savoir d’ores et déjà qu’elle n’appliquerait pas cette décision unilatérale, contraire à ses objectifs de réduire la pollution visuelle de la publicité. À Bordeaux, même son de cloche. De plus, le décret gouvernemental est en contradiction avec un texte de l’agglomération bordelaise qui vise précisément à sauvegarder le patrimoine urbain. Reste Lyon, l’ancien fief du ministre de l’Intérieur, à l’origine de cette mesure controversée. Même là, l’adhésion n’est pas acquise et la communauté de communes va être consultée avant toute décision. Le plus drôle dans tout ça, c’est que le décret prévoit lui-même les risques de dérapage de cette expérimentation, au sens propre dans le cas de glissades malencontreuses sur les trottoirs, comme au sens figuré, et envisage la suspension ou la suppression tous les 6 mois de cette mesure.
Le gouvernement aurait pu s’épargner le ridicule d’un décret pour rien, en s’assurant du volontariat des villes concernées dont le choix reste un mystère pour ce qui me concerne. Je ne vois qu’une hypothèse crédible : celle d’une demande des sociétés qui seraient chargées de réaliser les publicités en question, dont on ne sait même pas comment elles seraient accueillies par les riverains, ni si elles constitueraient un marché suffisant pour en assurer la rentabilité. Ce sont ces petits riens qui, mis bout à bout, peuvent creuser un fossé entre une population et sa représentation. Cette année, j’aurai essayé de rire de tout, plutôt que de pleurer pour un rien, ce qui est déjà beaucoup. Je ne peux pas croire que le Président, dont la culture est au-delà du commun, selon l’ancien porte-parole et toujours gaffeur Christophe Castaner, n’a pas en tête la formule de Beaumarchais, qui se pressait de rire de tout, de peur d’être obligé d’en pleurer.