Breton pur beurre
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- Catégorie : Diabloguiste
- Publié le mardi 24 octobre 2017 10:19
- Écrit par Claude Séné
Avis de grand frais ! En faisant mes courses hebdomadaires, j’ai frisé l’apoplexie en cherchant à me procurer un produit que je croyais banal : une plaquette de beurre demi-sel tout ce qu’il y a de plus classique, mais dont le manque serait impensable pour tout Breton qui se respecte. Non que je consomme quotidiennement des quantités faramineuses de ce corps gras à nul autre pareil, ayant depuis longtemps opté pour la cuisine à l’huile, car c’est bien plus beau que la cuisine à l’eau, mais par atavisme et fidélité aux rites de mon enfance.
J’ai encore le souvenir des goûters proposés par la grand-mère de mon meilleur ami, qui nous demandait : « du café tu auras ? et du pain et du beurre, et un couteau pour manger avec ? ». À cette époque, le beurre était souvent vendu en motte, et l’eau s’en exsudait encore. Il y avait aussi des cristaux de sel, imparfaitement incorporés, qui perçaient la surface et agaçaient les dents. De nos jours, on reproduit cette texture en vantant la présence de sel « de Guérande » ou de l’île de Ré, mais j’avoue ne pas avoir d’inclinaison particulière pour ce produit spécial touriste. Donc, dans le linéaire dédié au beurre de cette grande surface, on avait pris soin de ne laisser aucun vide, rappelant fâcheusement des pénuries d’un autre temps. Mais si le beurre dit « tendre » se multipliait, le beurre classique, lui, était réduit à la portion congrue, et ce n’est qu’à grand-peine que je parvenais à dénicher mon quart de beurre vendu plus cher dans un emballage particulier. Par parenthèse, je m’interroge sur l’intérêt de fabriquer un beurre à 60 % de matière grasse, au lieu de 80 %, en vendant l’eau au prix du beurre, qui sera lui-même bientôt au niveau du caviar si l’on en croit les Cassandres de la grande distribution.
Car j’en viens au côté arnaque de la situation. La pénurie de beurre serait due à l’explosion de la demande mondiale depuis que les Chinois, notamment, y ont pris goût. Il est exact que le cours du beurre industriel a flambé sur le marché mondial, mais cela ne joue que de façon indirecte sur l’approvisionnement des grandes surfaces. Comme sur beaucoup de produits, c’est encore un bras de fer entre les producteurs industriels et les distributeurs qui explique la rupture de stock. Quant aux éleveurs, bretons ou autres, qui essaient de vivre de la vente du lait, ils sont toujours dans une situation difficile et très loin de ces luttes au sommet, tout comme les consommateurs que les distributeurs feignent de défendre. Les Michel Édouard et compagnie, eux, savent de quel côté leur tartine est beurrée.
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