Unanimité posthume

Il est certes d’usage que les défunts soient parés de toutes les qualités et que leurs défauts éventuels soient passés sous silence. Les réactions à la mort de Simone Veil vont toutefois au-delà de cette tradition bien établie. L’émotion et l’admiration des Français m’ont paru sincères et si des adversaires du droit à l’avortement existent toujours, ils ont eu la décence de s’abstenir de commenter cet évènement. Et pourtant, lorsque Simone Veil a défendu la loi qui porte son nom, adoptée en 1975, que n’a-t-elle pas entendu, se faisant même traiter de nazi, elle qui avait réchappé aux camps de la mort.

Simone Veil était une personnalité centriste, plutôt marquée à droite, et c’est de son propre camp que sont venues les plus vives critiques sur son projet de loi, qui n’aurait pas pu être adopté sans le concours décisif des députés de gauche à l’Assemblée. Une situation paradoxale qui rappelle un peu celle que nous vivons actuellement, où le président élu, qui se veut de droite et de gauche, bénéficie du soutien de députés venus d’horizons divers, qui se battent presque pour être plus macroniens les uns que les autres. Contrairement à Simone Veil, Emmanuel Macron compte utiliser sa popularité pour pratiquer la régression sociale, et laisser à la postérité un texte détricotant le droit du travail au détriment des salariés et sans certitude réelle d’un bénéfice pour quiconque. Le quinquennat Hollande, tant décrié, souvent à juste titre, aura du moins permis le mariage entre personnes du même sexe. Avant lui, en 1981, Badinter tiendra la promesse de Mitterrand avec l’abolition de la peine de mort. Encore plus tôt, en 1967, même le régime ultra conservateur du général de Gaulle avait légalisé la contraception avec la loi Neuwirth. Que laissera notre Bonaparte au petit pied, à part une loi d’épicier ?

Une pétition commence à circuler pour demander l’inhumation de Simone Veil au Panthéon pour y rejoindre les trop rares femmes qui ont déjà reçu l’hommage national. Elles se comptent sur les doigts d’une main : les scientifiques Sophie Berthelot et Marie Curie et les résistantes Geneviève de Gaulle et Germaine Tillon. Elles y côtoient des personnalités masculines largement oubliées. Sur les 72 « grands hommes » à qui la Patrie a ainsi manifesté sa reconnaissance, qui se souvient encore des généraux d’Empire, à part peut-être le Maréchal Lannes ? En revanche, Simone Veil mériterait bien d’y retrouver les authentiques « héros » qui ont forgé notre idéal républicain, tels que Voltaire, Victor Hugo ou Jean Jaurès. Comme eux, c’est le symbole qu’elle représente, plus encore que son action effective, qui lui donne droit au respect.