Souvenirs souvenirs.
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- Catégorie : Diabloguiste
- Publié le dimanche 25 juin 2017 10:35
- Écrit par L'invitée du dimanche
Revenant sur mes traces bretonnes 45 ans plus tard, rien que par les parfums, la lumière et un je ne sais quoi de charme, je me suis retrouvée submergée par une foule de souvenirs qu’il m’avait « arrangée » de reléguer dans un tiroir un peu à l’écart dans ma mémoire.
J’ai ouvert la boite de Pandore sur cette capacité que l’on a de préserver vivantes une sensation, une impression, une image, une émotion… pourquoi avoir gardé l’une plus que l’autre ? La mémoire, ce n’est pas un disque dur, elle est mouvante, elle ne retient pas tout, elle cherche à donner du sens, elle crée des associations, réagence les souvenirs, soit pour les embellir soit pour les dramatiser.
Il y a les souvenirs encombrants, en général ce sont les mauvais souvenirs dont on aimerait se débarrasser, et il y a les bons souvenirs, ceux-là on les protège. Il y a aussi les souvenirs refoulés, et la psychanalyse les place dans notre inconscient. De nombreuses thérapies se proposent de le décrypter pour en faire émerger les expériences traumatisantes désagréables que l’on y a enfouies. Les thérapies de la mémoire oubliée (TRM) ont fleuri aux États-Unis, destinées pour la plupart à faire resurgir des agressions subies pendant l’enfance, l’hypnose qui modifie l’état de conscience permettrait aussi de lever la censure sur les événements refoulés.
Il est peut-être bon toutefois de considérer avec circonspection la résurgence de ces souvenirs, ils peuvent être induits par les techniques thérapeutiques, ce sont alors de faux souvenirs qui prennent source de vérité, et peuvent aussi bien apporter la délivrance du sujet que l’aggravation de sa problématique !
Autre problématique des souvenirs, peut-on vivre sans eux ? À quoi nous servent-ils ? Je pense qu’individuellement nous ne serions rien sans toutes ces images, ces visages, ces parfums, ces paysages, ces musiques. Toutes ces balises retracent notre itinéraire, ravivent notre sensation d’existence. Quant aux souvenirs collectifs, ils nous remettent dans la chaîne de notre histoire.
C’est sûrement parce que l’on ne peut pas se passer d’eux qu’on a besoin de les immortaliser, le plus souvent par une photo, un film, ou un objet (pas besoin de se demander pourquoi les boutiques de souvenirs fleurissent un peu partout) qui seront là toujours présents en cas de défection pour vous rappeler que… c’était à Syracuse, à Prague ou à Tréguier, une preuve de votre passage sur terre ! Il est des accidents de la vie qui effacent les souvenirs, partiellement comme les dysmnésies, totalement comme l’amnésie dont la maladie d’Alzheimer est la plus épouvantable représentation. Pourtant la mémoire, stockage de tous ces souvenirs, ne peut tout retenir, alors il faut faire un choix et accepter l’oubli qui peut être un remède aux regrets, aux ruminations, aux plaintes, à la culpabilité.
On ne peut pas comme Baudelaire avoir plus de souvenirs que si l’on avait mille ans, chacun fait comme il peut, Johny Hallyday les porte dans son cœur pour faire « refleurir ses rêves de bonheur », Édith Piaf s’en sert pour allumer le feu, pour repartir à zéro, ils ont peut-être raison tous les deux.
L’invitée du dimanche