Totem d’immunité

Je ne suis pas un habitué du jeu télévisé Koh-Lanta, mais j’ai cru comprendre que certains candidats pouvaient bénéficier de ce fameux totem qui les exempte de toute pénalité quand ils le possèdent. J’ai la nette impression que François Bayrou, du simple fait qu’il est passé à travers les gouttes de la censure de son projet de budget pour l’année en cours, s’est persuadé qu’il ne risquait plus rien désormais et qu’il pouvait en faire à sa tête sur tous les sujets. Tout le monde a pu constater que le fameux « conclave » entamé sur la réforme des retraites était mort-né avant même d’exister, et qu’il se permettait d’annoncer son veto sans attendre les résultats.

La préparation du budget 2026 s’annonce comme le projet de tous les dangers, mais le Premier ministre a décidé de devancer l’appel en mettant sur la table les projets qui fâchent, tels que la suppression de l’abattement fiscal de 10 % dont bénéficient les retraités tout en promettant de ne pas augmenter les impôts, ce qui est une contradiction manifeste. Ses jours de chef de gouvernement pourraient donc être comptés puisque le président de la République retrouvera son droit de dissolution de l’Assemblée nationale en juin prochain et qu’il est probable qu’il l’utilise, même si les députés ne font pas usage de la censure. Pour des raisons qui m’échappent, François Bayrou a l’air persuadé que le clan présidentiel sortira renforcé d’élections législatives anticipées, que son aura personnelle lui permettra de se présenter aux présidentielles et même de les remporter. À ces mots, le Béarnais ne se sent plus de joie, il saute comme un cabri… et adieu veau, vache, cochon, couvée !

Car le danger le plus absolu, celui qui pourrait faire trébucher le plus sûrement le Premier ministre, tient dans un mot : Betharram, du nom de cette institution religieuse où son épouse a enseigné le catéchisme et où ses enfants ont été scolarisés. Et c’est sa propre fille qui révèle avoir été témoin de violences et victime elle-même, sans jamais en avoir informé quiconque, et surtout pas son père, qu’elle aurait voulu protéger inconsciemment. Elle dit probablement la vérité, du moins, la sienne. Mais d’autres faits aussi graves ont été rapportés et François Bayrou nie en bloc en avoir eu connaissance, contre toute probabilité, alors qu’il accuse d’autres personnalités politiques, d’un autre bord que le sien, d’avoir protégé les auteurs de ces actes de barbarie. Tout le monde savait, sauf lui, semble être sa ligne de défense. D’autant plus difficile à croire quand le personnage est régulièrement épinglé pour une amnésie très sélective qui l’empêche de se rappeler ses propres déclarations.