Indétrônable famille (2)

Ou de l’amour à la haine !

 Après le point de vue socio-économique, petit éclairage par la psychanalyse et la philosophie.

La famille n’est pas à proprement parler un concept psychanalytique et pourtant toute cure analytique semble être une histoire de famille, on y dépose des récriminations contre les parents, les frères et sœurs… la morale suit l’époque, on parle de familles monoparentales, les couples homosexuels sont reconnus, dans le passé on parlait des « filles-mères ».

La famille n’est ni saine ni malsaine, mais plus ou moins structurante selon la façon dont les parents autorisent l’enfant à se détacher d’eux pour devenir un adulte indépendant.

Lacan préfère parler de « complexes familiaux ». Il en distingue trois.

Le complexe de sevrage, plus ou moins traumatisant, provoquant une frustration, le complexe d’intrusion, provoqué par exemple par l’arrivée d’un cadet faisant émerger jalousie, rivalité, ambivalence affective entre l’amour et la haine, le complexe d’Œdipe, où se construit la sexuation, le rapport aux identités sexuelles.

La psychanalyse permet à chacun de réinventer sa famille, tout groupe qui se qualifie de famille dans une culture donnée, montre qu’il existe une interdépendance objective entre les sujets qui la composent, en raison de la hiérarchie des générations et de la répartition des rôles en son sein. C’est ainsi que les grands-parents peuvent parasiter la relation enfants parents, par exemple en inculquant des principes avec lesquels les parents sont en désaccord.

Du point de vue philosophique, c’est un modèle des liens d’amour et de désamour, de sécurité ou de violence potentielle, lieu de contrainte et de liberté, c’est un ensemble d’individus avec leurs problématiques particulières, appartenant à un lieu qui a pour essence et définition, l’intimité, la relation de confiance, de confidences et de respect, qui favorise ou non la structuration psychique d’un enfant, et qui ne cesse de se reconfigurer en fonction de nos évolutions, avec pourtant persistance du schéma traditionnel !

La littérature, le cinéma l’ont exploitée comme matière romanesque infinie, souvent les moments de rencontre, de partage, sont en réalité des moments de crispation où la proximité autorise la plus grande cruauté. Impossible d’éviter le paradoxe que fonder une famille, c’est s’occuper d’enfants, aimer, éduquer, pour le départ, car c’est toujours ce vers quoi cela va tendre.

L’acceptation ou non de ce départ fait émerger des conflits importants, qui se manifestent par de la colère, de l’agressivité, des malentendus, du chantage affectif, lors de la crise de l’adolescence par exemple, auxquels peuvent s’ajouter des difficultés financières, une crise conjugale, des différends politiques entre plusieurs membres… cellule infernale ou source de bien-être, difficile d’échapper à l’ambivalence, vouloir y appartenir, vouloir s’en échapper.

C’est le lieu de transmission de l’essentiel, c’est par elle que tout commence, elle fournit « les lunettes » à travers desquelles vont être perçues toutes les influences, tout ce que l’on a acquis au début, ce à travers quoi l’on accueillera tout par la suite.

Aujourd’hui, la famille est vue comme un lieu décentré et polymorphe, le terme récent de « parentalité » qui donnait l’idée que c’est l’enfant qui fait la famille, est dépassé, on y rencontre une fausse fraternité entre parents et enfants, les mères sont innombrables, les pères numérables… peu importe les expériences communautaires pour échapper au modèle traditionnel, pour Lacan échapper à l’ordre familial est une impasse !

L’invitée du dimanche