Chers voisins

C’est par cette formule de politesse que débutait le court billet glissé dans ma boîte à lettres pour m’informer que l’une de mes chères voisines, que je n’ai pas l’heur de connaître et qui a omis de signer son petit mot, avait l’intention de fêter son anniversaire et s’excusait par avance du dérangement qu’une telle petite fête ne manquerait pas de susciter. Assez adroitement, je dois le dire, elle précisait que nous étions les bienvenus pour boire un verre à sa santé, une façon élégante de désamorcer la mauvaise humeur éventuelle due au bruit des festivités.

L’adresse indiquée se situant à plusieurs numéros de mon domicile, je me sentais assez tranquille, et j’imaginais déjà que cette précaution se révélerait plutôt inutile. Par ailleurs, je m’interrogeais sur cette coutume de saluer la matérialisation de son vieillissement en déclenchant un boucan, un tohu-bohu, un charivari, voire un ramdam, pour exorciser le temps qui passe inexorablement. Ma voisine annonçait fêter ses 40 ans, âge symbolique s’il en est, puisqu’il était autrefois qualifié de canonique, c’est-à-dire que le droit canon ne considérait plus comme immorale la présence féminine auprès du prêtre quand elle avait atteint ou dépassé cette barrière fatidique au-delà de laquelle elle ne saurait constituer une tentation. Autres temps, autres mœurs !

Bref, je ne redoutais pas le moment de me coucher, m’imaginant être à l’abri des échos de la fête, malgré la chaleur restant élevée à cette heure vespérale où je gagnai mon lit, m’obligeant à conserver les fenêtres ouvertes. Las ! Les flonflons que couvrait jusque-là la télévision, accompagnés de rires et de cris joyeux m’arrivaient par vagues, et si proches que je les aurais crus émaner de mon propre jardin. Évidemment ! Car en me penchant par la fenêtre de ma soupente, je m’apercevais que mes voisins les plus immédiats, de crainte probablement de ne pouvoir dormir, avaient décidé de faire la fête eux aussi et de soigner le mal par le mal en poussant à fond leur sonorisation pour faire bénéficier tout le quartier de leurs goûts musicaux un peu trop rétro pour mes oreilles. J’ai bien songé un instant à faire de même, de telle sorte que, de proche en proche, toute la bourgade aurait ainsi participé à ce qui ne devait être à l’origine qu’une petite réunion entre amis. J’ai résisté à cette tentation, la fraîcheur nocturne a fini par me permettre de fermer les écoutilles, au sens propre comme au figuré, et si je ne suis pas trop frais à l’heure où j’écris ces lignes, je bénéficie d’un calme olympien de mon voisinage, pas encore remis de ses festivités probablement alcoolisées. Grand seigneur, je ne leur ferai aucune remarque, car ils m’ont offert le sujet du jour, moins démoralisant que beaucoup d’autres.

Commentaires  

#1 Louisette Guibert 28-05-2017 09:41
Nous avons eu le même petit mot récemment affiché dans l'immeuble avec la même invitation, intitulés "chers voisins"...
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