Le coût du parapluie
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- Catégorie : Diabloguiste
- Publié le vendredi 26 août 2016 10:34
- Écrit par Claude Séné
« Il pleuvait fort, sur la grand-route, elle n’avait pas de parapluie… » Cette employée de l’Office public de l’Habitat de l’Ain n’a pas eu la chance de croiser le chemin de Georges Brassens au moment de quitter son travail. Au lieu de quoi, elle avise un vieux pébroc en piteux état, qui semble abandonné dans le hall. Ni une, ni deux, nécessité faisant loi, elle embarque le pépin pour rentrer chez elle. Parvenue à son domicile tant bien que mal, constatant que l’engin était cassé et donc inutilisable, elle le jette à la poubelle.
Mal lui en prend. Elle va échanger ce petit coin de parapluie contre un coin de purgatoire, voire d’enfer, contrairement à la chanson. Ce parapluie cassé va lui coûter 4 années de sa vie. Il appartient à l’une de ses collègues, qui déclare sa disparition, et les caméras de surveillance vont la désigner comme coupable de ce « vol » qu’elle considère comme un emprunt. Elle reconnait toutefois les faits et propose de racheter un parapluie neuf à sa collègue. En vain. L’employeur décide de la licencier pour faute grave en mai 2012. L’affaire est portée devant les tribunaux et la sanction infirmée en appel en 2015. Il faut attendre juillet dernier pour qu’enfin la Cour de cassation décide d’annuler le jugement, estimant que le licenciement était dépourvu de cause réelle et sérieuse. Elle doit être réintégrée dans son emploi, mais chacun sait bien qu’elle aura du mal à retrouver sa place dans l’entreprise. Sans compter les 4 années passées à alterner chômage et petits contrats précaires.
Cette fable moderne pourrait s’accompagner de bien des morales sous la plume d’un Jean de La Fontaine. À commencer par « qui veut noyer son chien, l’accuse de la rage ». On soupçonne l’employeur d’avoir saisi le premier prétexte venu pour se débarrasser de sa salariée. Comme pour cette caissière d’Auchan, mise à pied pour une boite de sauce tomate d’une valeur de 85 centimes. Au moment où la loi sur le travail devrait rentrer en vigueur, on mesure qu’elle ne fera qu’amplifier les licenciements abusifs. Quant aux caméras de surveillance, incapables d’empêcher l’attentat de Nice, elles peuvent se révéler de redoutables instruments de flicage des citoyens. Je ne parle même pas du gaspillage de temps et d’argent à devoir encombrer la justice de contentieux aussi ridicules, qui sont une insulte au bon sens. À quand les procédures interminables qui mobiliseront les tribunaux si d’aventure Nicolas Sarkozy revenait aux affaires et distrayait le populo en faisant voter une loi sur le burkini ?