Parano contre parano

Vous connaissez la formule : ce n’est pas parce qu’on est parano qu’on ne peut pas être réellement persécuté. Les récents incidents survenus à Sisco en Corse m’en semblent une illustration assez éclatante. Des affrontements ont opposé deux communautés qui se jugent toutes les deux victimes d’ostracisme et de discrimination. La communauté musulmane se sent particulièrement visée depuis les derniers attentats djihadistes, dont elle subit les contrecoups dans un climat de défiance généralisée. Quant aux Corses, leurs revendications n’ont peut-être jamais été aussi fortes depuis que le virage de la fin des actions violentes a été pris et que les instances de décision sont passées aux mains des autonomistes.

Pour autant que l’on puisse en juger, le point de départ de cette rixe violente entre musulmans et jeunes corses est dû à la cristallisation récente autour du port du burkini, qui fait l’objet de plusieurs arrêtés d’interdiction municipaux, et qui a été fortement médiatisé  Les familles maghrébines se seraient senties agressées par la prise de photo d’une femme se baignant dans ce costume par un touriste. Ils s’en seraient pris à de jeunes Corses présents sur les lieux et la situation a rapidement dégénéré au point de provoquer une bagarre générale, occasionnant plusieurs blessés et aboutissant à l’incendie de trois véhicules.

Ce qui est typique dans cette situation, c’est que chacun est sûr de son bon droit et se juge victime de l’agression de la partie adverse. Je me souviens de cet anesthésiste poursuivi pour faute grave et qui déclarait de son chef de service qu’il était complètement parano puisqu’il lui en voulait. On a peine à croire que l’on puisse en arriver à des violences aussi extrêmes pour des motifs aussi peu sérieux à l’origine. Qu’une femme se baigne tout habillée ne devrait pas être de nature à troubler l’ordre public, même s’il est permis de trouver ça plutôt ridicule. Utiliser cette façon de faire comme une arme idéologique, de prosélytisme pour les uns, de défense de la république pour les autres me parait totalement disproportionné. Quant à imaginer que l’on puisse mettre toute une région à feu et à sang pour un motif aussi futile, c’est complètement surréaliste. Il faut dire que ce n’est pas la première fois que des heurts éclatent entre autochtones corses et population immigrée, notamment maghrébine. Le conflit est larvé entre insulaires et « rapportés » depuis des générations. Il suffit de se reporter à la période d’Aléria où les ressentiments se concentraient sur les « pieds noirs » qui venaient s’installer dans l’île. Espérons qu’un statut spécifique permette à terme d’apaiser les conflits.