Longévité

On savait les Turcs très forts, il va falloir désormais compter également avec leur longévité. La justice turque vient de requérir pas moins de 1900 années de prison contre Fethullah Gülen, l’opposant au régime de Recep Tayyip Erdogan, accusé d’avoir fomenté le putsch raté du 15 juillet. Cette peine s’ajouterait, pour faire bonne mesure, à deux condamnations à vie, au cas où il en réchapperait. Étant donné la façon dont le président turc est en train de prendre un ascendant absolu sur le pays, je ne serais pas étonné qu’il mijote une modification de la constitution destinée non seulement à étendre ses pouvoirs dans le sens d’une dictature, mais de la faire durer aussi longtemps que possible.

Et pourquoi ne pas se faire nommer président à vie, et même à deux vies consécutives, plus un petit rabiot d’un siècle ou deux si affinités ? Il me semble que la dernière fois qu’il a été question de pouvoir millénaire, il s’agissait d’établir celui du troisième Reich, alors dirigé par un certain Adolf Hitler. Enfin, je dis ça, mais c’est parce que je n’habite pas en Turquie, où le fait de critiquer le régime, ou simplement d’y penser semble passible de peines de prison incompressibles. À tel point que les geôles du pays sont en train de subir une crise du logement sans précédent et que le pouvoir n’a plus d’autre choix que de libérer les détenus de droit commun pour faire de la place aux opposants politiques, réels ou supposés. C’est ainsi que 38 000 personnes vont sortir de prison, bien que leur condamnation ne soit pas amnistiée. Un peu d’arithmétique permet de savoir que le régime a donc l’intention d’arrêter encore environ 15 000 personnes soupçonnées d’avoir participé au coup d’État, ou plus prosaïquement de ne pas soutenir Erdogan avec suffisamment de zèle, en plus des 35 000 déjà embastillées, dont 11 600 n’ont pas été gardées. Vous suivez ?

Monsieur Erdogan pourrait finir par se trouver confronté à une difficulté : à force de pratiquer des purges dans l’administration, il pourrait finir par manquer de fonctionnaires. Il vient encore de renvoyer 2300 policiers suspects de sympathie avec Monsieur Gülen, cependant que des milliers d’écoles et d’associations ont été fermées. Il est vrai que l’éducation et la culture sont le cadet des soucis de l’autocrate, plus préoccupé par la recherche de soutiens à l’extérieur du côté de son homologue, Wladimir Poutine, pour compenser les critiques venues d’Europe ou des États-Unis, à vrai dire très peu dissuasives. Les choses pourraient changer si le stock d’armes nucléaires américaines en Turquie venait à être menacé. Le ou la prochaine présidente pourrait alors siffler la fin de la récréation.