Un barrage peut en cacher un autre

Au départ, il ne s’agissait que d’un projet de barrage à des fins agricoles, décidé par le conseil général du Tarn après des études visiblement approximatives, contesté par des opposants, j’allais dire, habituels, qui auraient occupé le Larzac en d’autres temps et auxquels le gel de Notre Dame des Landes avait laissé un peu de loisirs. La routine, quoi. Même l’arrivée des casseurs professionnels sur le site, filmée en direct par Canal plus jusqu’à ce que les journalistes en soient dissuadés, ne sortait guère des schémas habituels. C’est devenu un fléau apparemment incontournable que la présence de militants extrémistes qui squattent toutes les causes, du moment qu’elles leur permettent de donner libre cours à la violence.

 

Qu’on ne se méprenne pas. Les motivations de la plus grande partie des manifestants contre le barrage de Sivens sont parfaitement honorables et leurs méthodes légitimes. Ils sont eux aussi victimes de la mauvaise image que peuvent donner de leur mouvement ces intrus. Ce qui aurait pu ne rester qu’une manifestation ordinaire a brusquement tourné au drame avec la découverte du corps sans vie du jeune Rémi Fraysse, vraisemblablement victime de l’explosion d’une grenade tirée par les « forces de l’ordre », comme on dit. De ce qui n’est pour l’instant qu’une probabilité, des responsables écologistes ont fait une certitude et l’utilisent pour tirer à boulets rouges sur un gouvernement auquel ils appartenaient il n’y a pas si longtemps. Il faudra bien qu’un jour ils clarifient leur position vis-à-vis de leurs anciens partenaires et qu’ils consomment la rupture si elle doit avoir lieu.

Je passe sur l’émotion légitime que ce drame a soulevée et la réaction normale de la famille qui a déposé une plainte pour homicide volontaire. Je suis en revanche un peu surpris qu’un François Fillon tente d’utiliser le fait divers pour se faire de la publicité à bon compte. Je trouve aussi excessive la réaction d’un élu écologiste du Conseil Régional qui juge que la poursuite du projet se ferait sur le sang du militant tué. Le premier devoir des politiques est de garder la tête froide et de dépasser les réactions émotionnelles pour prendre les décisions les plus conformes à l’intérêt général. Le reste s’apparente au populisme.