Le caporal épinglé

Ou peut-être mérite-t-il le grade de colonel ou de général ? C’est que Gilles Carrez n’est pas n’importe qui. Actuel président de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire à l’Assemblée nationale, un poste où il a succédé à un certain Jérôme Cahuzac, il a été rapporteur général du budget pendant dix ans pour le compte de la majorité UMP de l’époque. À ce titre, il est considéré comme un des meilleurs connaisseurs en matière de finances et de fiscalité.

 

Il est également connu pour avoir été à l’origine d’une loi permettant de calculer la surface corrigée des appartements dans le cadre d’une copropriété. Ce n’est donc pas du menu fretin, mais un gros poisson qui est tombé dans le filet des agents du fisc, une affaire révélée par Médiapart après l’annonce du Canard enchainé selon laquelle une soixantaine de députés étaient susceptibles d’avoir maille à partir avec l’état en matière fiscale. Gilles Carrez aurait pratiqué depuis 2011 un abattement de 30 % sur la valeur de son pavillon, ce qui lui permettait d’échapper à l’Impôt sur la fortune, alors que le bien, acquis en Société civile immobilière, ne peut pas bénéficier de cet avantage. Gilles Carrez plaide bien entendu la bonne foi, mais ce sera à l’administration d’en juger.

Si un fiscaliste éminent ne peut pas s’y retrouver dans une loi aussi complexe selon celui-là même qui a contribué à l’élaborer, qui le pourra ? Au moment où Fillon a fait relever le plafond de l’ISF de 800 000 à 1.3 million d’euros, il a défendu cette mesure qui le concernait personnellement et il a présenté en 2007 un amendement pour élever l’abattement de 20 à 30 %. Difficile de penser que ce personnage ignorait la loi comme il a essayé naïvement de le faire croire dans un premier temps. Après les affaires révélées à gauche comme à droite ces derniers mois, notamment l’éviction de Thomas Thévenoud, l’indulgence ne semble pas de mise.

Ironie de l’histoire, c’est Gilles Carrez lui-même qui avait déclaré : « dans chaque niche fiscale, il y a un chien qui mord ». Cette fois, c’est lui qui est pris à son propre piège.