Le soufflet

La tragédie du siècle s’est déroulée sur l’antenne de D8, la petite chaine qui monte à grand renfort d’émissions racoleuses, sur le modèle de « Touche pas à mon poste », où l’animateur énervé est prêt à tout pour grappiller quelques points supplémentaires dans le gâteau des parts de marché publicitaire. Après le psychodrame savamment orchestré autour de la chasse à la « taupe » qui avait dévoilé les méthodes musclées de Cyril Hanouna pour maintenir la pression sur ses chroniqueurs, voici donc l’affaire du soufflet, soigneusement montée en mayonnaise pour distraire les supporters désœuvrés fans de l’émission.

Rappelons l’intrigue, que n’aurait pas désavouée Pierre Corneille lui-même. Acte 1 : Cyril Hanouna charge Gilles Verdez, un de ses acolytes, de faire une petite farce à Joey Starr, un des jurés de la nouvelle star, émission qui est enregistrée dans un studio voisin pour le compte de la même chaine. Il s’agit de lui amener dans sa loge une pizza qu’il aurait censément commandée. Pour ne pas être reconnu, ce qui ne risque pas d’arriver, ni vous ni moi n’ayant jamais rencontré cet antihéros, Gilles Verdez s’est affublé d’une « fausse perruque » blonde caricaturale. Il entreprend de la jouer familière avec le rappeur de NTM. Mal lui en prend. Didier Morville a le sang chaud, et il ne faut pas lui chatouiller les oreilles quand il répare sa mobylette, alors la main part toute seule sur le front de l’importun.

Acte 2 : la scène a été filmée et provoque l’indignation plus ou moins sincère de l’équipe de TPMP. Gilles Verdez arbore un pansement à l’arcade sourcilière et feint le courage de celui qui surmonte sa souffrance. Le plus affecté est ostensiblement Cyril Hanouna, au bord des larmes, qui décrète la grève illimitée jusqu’à l’obtention d’excuses en bonne et due forme. Si l’on doutait que don Rodrigue de Bivar, alias Cyril Hanouna, eût du cœur, on est rassuré.

Acte 3 : pour faire plaisir à la direction de D8, qui fait le chèque à la fin du mois, Don Gomès, alias Joey Starr, fait des sortes d’excuses sur le thème de « il l’avait bien cherché ». Acte 4 : Cyril relit son contrat et se rend compte que l’arrêt de son émission lui coûterait un bras. Acte 5 : fin du buzz. Le soufflet est retombé. Tout le monde campe sur ses positions. Cyril s’est taillé une réputation de défenseur de la veuve et de l’orphelin à moindre coût en soutenant son « Gilou » qui a pour lui les yeux de Chimène. L’audience est assurée pour la semaine, mais il faut vite se recreuser les méninges. Jusqu’où s’arrêteront-ils ?