L’exception corse
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- Catégorie : Diabloguiste
- Publié le lundi 28 décembre 2015 10:46
- Écrit par Claude Séné
Au soir du deuxième tour des élections régionales, la nouvelle est passée quelque peu inaperçue. Alors que la droite et la gauche se partageaient les régions et que le Front national n’en recueillait aucune, la région Corse basculait tranquillement dans le camp nationaliste, qui remportait la majorité relative des sièges en arrivant premier dans une quadrangulaire avec 35 % des suffrages. La prime de 7 sièges au parti arrivant en tête leur permet d’exercer la responsabilité de l’exécutif et de présider l’assemblée territoriale. Cette victoire historique doit être relativisée : les indépendantistes corses ont abandonné officiellement la lutte armée et ont depuis longtemps pignon sur rue, à l’image de leur leader Jean-Guy Talamoni, défenseur des détenus politiques corses, vitrine légale du mouvement, au temps de la clandestinité.
Bien du chemin a été parcouru depuis que Simeoni père s’illustrait dans la révolte d’Aléria. Aujourd’hui, c’est Simeoni fils qui présidera le conseil exécutif de Corse. Les habitants de Corse ne sont pas tous devenus pour autant des nationalistes purs et durs. Il faut rapprocher le score des indépendantistes de celui particulièrement faible du Front national, qui plafonne autour de 10 % entre le premier et le deuxième tour. Tout se passe comme si les partis indépendantistes confisquaient le vote protestataire à leur profit, en cristallisant le mécontentement dû à une situation économique plus dégradée que sur le continent avec 12 % de chômage.
Les récents incidents observés sur l’île doivent s’apprécier dans ce contexte. Comme dans beaucoup de banlieues de la métropole, Ajaccio possède ses quartiers difficiles, avec le désœuvrement et le trafic de drogue qui y sont associés. L’île connait une croissance démographique record, en raison d’un afflux de nouveaux arrivants, notamment maghrébins. Il aura suffi d’une étincelle, l’agression de deux pompiers et d’un policier, pour mettre le feu aux poudres et fournir un prétexte à une minorité raciste et xénophobe pour se livrer à des exactions contre la communauté musulmane, qui n’en peut mais, et attiser la haine raciale et la détestation des étrangers.
Il est juste de souligner que les indépendantistes ont clairement condamné ces actes de violence, mais je suis perplexe sur leur raisonnement qui attribue cette attitude à des idéologies importées, le peuple corse étant jugé, par nature, incapable de ces débordements. Je crains, au contraire, que les mouvements nationalistes ont renforcé un terreau où le rejet des non-insulaires et la préférence corse sont des thèmes proches de l’extrême droite.