Le baiser du serpent
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- Catégorie : Diabloguiste
- Publié le mercredi 2 décembre 2015 10:51
- Écrit par Claude Séné
Voilà un soutien dont on se serait bien passé. Le patron du Medef s’est mis en tête de combattre le Front national à quelques jours des élections régionales. Outre qu’il se réveille bien tard, les arguments qu’il emploie sont de nature à obtenir le résultat inverse de celui qu’il prétend rechercher. Avec des ennemis comme lui, l’extrême droite n’a pas besoin d’amis. Il n’a rien trouvé de mieux que de comparer le programme économique du Front national à celui du programme commun des années Mitterrand, comme si ça suffisait à en faire un épouvantail.
Or, précisément, quand la société française était corsetée par des décennies de gaullisme et de giscardisme, le programme commun était apparu comme un espoir pour des millions de travailleurs qui avaient été spoliés de leur victoire des accords de Grenelle en 1968. Transmettre ce flambeau du progrès social à un parti qui flatte les tendances les moins avouables de l’âme humaine, c’est lui faire un cadeau royal et parfaitement immérité. Monsieur Gattaz se défend de toute vue partisane et déclare en toute humilité qu’il ne fait que dire la vérité. C’est bien bon de sa part, mais il se trouve que ses propos ne reflètent que sa conviction, et encore. On n’est même pas certain que son avis soit partagé par l’ensemble des organisations patronales qu’il est censé représenter.
Le plus pernicieux dans tout ça, c’est qu’il ne s’attaque pas du tout à l’idéologie nocive de ce parti qui prône l’exclusion, le repli sur soi, la haine des autres, la détestation des étrangers, qui surfe sur la vague de la peur, de l’émotion, du chauvinisme franchouillard. Même si par opportunisme le parti de Marine et Marion Le Pen adoptait un programme économique libéral compatible avec les vues de Mr Gattaz, cela n’en ferait pas pour autant un partenaire acceptable ni une formation républicaine et démocratique. Je trouve désolant qu’une partie trop nombreuse de mes concitoyens se laissent abuser par un discours démagogique et se préparent à laisser le Front national exercer des responsabilités et mettre en œuvre une politique sociale et culturelle désastreuse comme on l’a vu dans les communes du sud de la France à une époque. Malheureusement, l’attaque de Mr Gattaz vaut soutien pour l’extrême droite à qui il délivre généreusement un brevet de gauche sociale. Une imposture que les électeurs découvriront tôt ou tard, et le plus tôt sera le mieux.