Le bruit et la terreur

Une semaine exactement après les attentats de Paris, un certain nombre de personnalités du domaine de la culture ont appelé à se retrouver pour « faire du bruit » afin de signifier que les terroristes n’avaient pas gagné et qu’il y avait encore de la vie. L’initiative est respectable, mais son expression m’a amené à réfléchir sur le sens que ces évènements pouvaient prendre pour chacun. Le bruit s’oppose au silence, mais aussi au message, qu’il vient parasiter. En acoustique, il est possible de calculer le rapport entre le signal, la partie intelligible du son, et le bruit de fond, lié à l’environnement ou aux contraintes techniques.

Si le bruit est trop important, on perd la compréhension du signal, dont le niveau ne peut être indéfiniment augmenté sous peine de distorsion. Le bruit s’oppose aussi à la musique, qui est une forme de bruit organisé, possédant un sens, une intention, perceptible à celui qui l’écoute, même s’il ne possède pas toujours la clé des codes utilisés par le musicien. Quand j’entends un groupe « chauffer » la salle en lui demandant de « faire du bruit », je m’interroge toujours sur la partie du cerveau à laquelle il s’adresse. Je ne suis pas loin de penser qu’il défend le degré zéro de la musique, où il ne reste plus que du bruit, le signal original, s’il a existé, se retrouvant couvert par un déluge de décibels insignifiants. Le tumulte réclamé tourne alors au charivari, au ramdam, au tohu-bohu, qui n’ont de sens que par leur expression collective. Alors, la vie devient une fable racontée par un idiot, pleine de bruit et de fureur, et qui ne signifie rien.

Il me semble que faire du bruit n’est pas suffisant. Il y a eu le temps du silence, du recueillement que l’on doit aux victimes et à leurs proches. Un temps que certains charognards politiciens ont cru devoir écourter pour faire droit à leur impatience et nourrir leur ambition démesurée. Place à présent au seul mode d’expression capable de faire reculer la barbarie, celui de la culture. Pas seulement la culture officielle empesée dans les théâtres subventionnés ou les musées, mais aussi la culture populaire, celle des terrasses de café et des concerts qui dérange tellement les intégristes. Il est temps de redonner du sens à la vie, et plus que jamais, d'établir la fraternité dans nos sociétés.