Hurler avec les loups

Le président François Hollande a donc tranché. Après avoir entendu les représentants des différents groupes parlementaires, et devant les propositions sécuritaires avancées par les uns et les autres, il a décidé d’aller au-delà, dans une sorte de surenchère destinée à couper l’herbe sous le pied de ses opposants. Et l’on peut dire qu’il y a réussi, dans une certaine mesure, Nicolas Sarkozy s’étonnant publiquement de décisions qu’il aurait pu adopter lui-même, ce qui ne l’empêchera pas de les combattre, pour le principe. En bon chef de meute, François Hollande a pris la tête de l’attelage, obligeant les autres à suivre le train de mesures.

C’est une habileté qu’il faut lui reconnaitre. Il retrouve ici un rôle qu’il a assumé en tant que chef de parti, utilisant des forces contraires pour conserver la direction. Passons sur une mesure anecdotique de déchéance de la nationalité française pour les terroristes possédant une double nationalité, qui ne doit concerner que très peu de personnes pour qui le fait d’être Français n’est sans doute pas un titre de gloire. Il s’agit de donner des gages à la droite, voire aux souverainistes de tous poils. En revanche, la révision constitutionnelle envisagée par le président pose question. De quoi s’agit-il ? Les mesures d’exception exigées par la situation actuelle, et régies par un état d’urgence décrété pour 12 jours et renouvelable pour 3 mois par le parlement se heurtent nécessairement au plein exercice des libertés individuelles. Prévoir un état similaire dans la constitution, en dehors de l’état de crise régi par l’article 16, ou l’état de siège prévu à l’article 36, reviendrait à légaliser des mesures pouvant suspendre durablement la démocratie. Appelons les choses par leur nom : dans de mauvaises mains, un tel outil permettrait une dictature légale.

L’état d’urgence ne signifie pas que nous devions céder à la précipitation, à la fâcheuse manie instaurée sous le précédent quinquennat de faire une loi à chaque fait divers. La tactique consistant à prendre la tête de ses ennemis, en criant plus fort qu’eux, a ses limites. Il y a déjà des dissidents, des prétendants à la place du mâle alpha, qui distribuent les coups de croc sans distinction de clan ou d’attelage. Il y a surtout, tapies bien à l’abri, des hyènes qui attendent tranquillement que tous s’entretuent pour recueillir les restes du festin. J’entends d’ici ricaner Gilbert Collard et la famille Le Pen.