Anti-nécro
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- Catégorie : Diabloguiste
- Publié le mercredi 11 novembre 2015 10:52
- Écrit par Claude Séné
Pour évoquer la mémoire d’un intellectuel qui a bâti son existence et sa pensée autour de la notion de révolte et d’indignation, il m’a paru légitime de ne pas suivre les sentiers battus de l’hagiographie de circonstance au moment de la mort d’un de nos contemporains. André Glucksmann s’est opposé à tout, ou presque, mais il a également soutenu à peu près tout et son contraire. Certains y verront la marque d’un esprit indépendant, d’autres, dont je suis, le résultat d’une histoire personnelle dont il a théorisé les aléas. S’il fallait faire un bilan de sa propre vie comme on liquide ses droits à la retraite, que retiendrait-on de ce « nouveau philosophe » ?
Faudrait-il les calculer sur les six derniers mois, qui sont également les meilleurs pour les fonctionnaires ? Je crains que l’évolution et la lente dérive droitière de Glucksmann ne soient un obstacle rédhibitoire pour son entrée au Panthéon des bienfaiteurs de l’humanité. Faut-il alors se baser sur les 10 ou 25 meilleures années comme dans le privé ? Cette fois, il va falloir ramer pour trouver les trimestres permettant de valider son ticket pour l’au-delà. Glucksmann a certes joué un rôle actif dans les « événements » de 68, comme on dit, ce qui n’était pas gagné d’avance, car il était l’assistant à la Sorbonne de Raymond Aron, condisciple et adversaire de Jean-Paul Sartre et qui prenait un malin plaisir à le contredire en tous points. Au fond, Glucksmann a fini par rejoindre son mentor dans ses positions droitières et atlantistes.
Avant cela, il aura été militant maoïste, comme beaucoup d’autres me direz-vous, et passera le reste de son existence à démentir cet engagement, faisant de ce combat personnel une règle de vie valable pour tous. Soyons justes. Cela le conduira à dénoncer le totalitarisme sous toutes ses formes, quand l’intelligentsia trainait encore les pieds. À son actif aussi la défense des « boat people » vietnamiens qu’il contribuera à faire accepter par la France, et le soutien au Tibet dans les années 80. À côté de cela, beaucoup d’aveuglement sur la question palestinienne, qu’il ne peut voir que par le prisme de la judaïté, et des choix politiques aventureux comme ce soutien ponctuel à la candidature de Sarkozy en 2007, qu’il démentira ensuite en constatant la proximité gênante du président avec Wladimir Poutine. Lui, qui n’aura cessé de s’indigner, rentrera finalement dans le rang néoconservateur.
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