Haro sur le Mamère

Après le dramatique accident qui a causé la mort de 43 personnes dans la région de Libourne, la plupart des médias sont tombés à bras raccourcis sur Noël Mamère qui a eu le tort de réagir très rapidement en s’en prenant au gouvernement. Selon la plupart des éditorialistes, « la compassion prime » et il est nécessaire d’observer un délai de décence avant de tirer des enseignements d’une telle catastrophe. Admettons. Est-ce que 69 ans de recul leur paraissent un délai suffisant ? C’est en 1946 en effet qu’a eu lieu le premier accident grave d’autocar dans la terrible descente de Laffrey en Isère, entraînant le décès de 18 pèlerins et blessant la plupart des autres passagers.

Il faudra pourtant que se produisent 3 autres accidents graves, 43 morts en 1973, 29 en 1975 et 26 en 2007, sans compter d’autres sinistres moins meurtriers, pour que des mesures radicales d’aménagement de la route et d’interdiction aux poids lourds soient enfin prises. Sans attendre les résultats de l’enquête sur l’accident de Puisseguin, on peut être à peu près sûr que ni l’alcool, ni les stupéfiants, ni la vitesse ne sont responsables de ce drame. Il semblerait que les habitants de la région considèrent ce passage sinueux comme dangereux, un de ces nombreux points noirs, connus des usagers de la route, ayant déjà causé des accidents ou susceptibles de le faire, que les pouvoirs publics tardent à traiter, pour des raisons financières. Il est évidemment moins coûteux de rajouter des radars là où ils sont les plus rentables.

 

Un exemple personnel pour illustrer ce propos. J’emprunte régulièrement une portion de route très sinueuse où les véhicules de tourisme ne peuvent se croiser qu’au prix d’une discipline absolue de respect des voies de circulation. Il m’est arrivé de devoir reculer pour laisser le passage au car de ramassage scolaire dont l’empattement ne lui permet pas de prendre les virages sans empiéter sur la gauche de la chaussée. Cette situation délicate n’a évidemment pas échappé aux pouvoirs publics, qui, au lieu d’élargir la route, ont pris deux mesures. La première, celle de poser des glissières de sécurité, j’imagine pour minimiser les dégâts le jour inéluctable où se produira l’accident, la seconde, de mettre un panneau interdisant la circulation des autocars, à l’exception des transports scolaires ! Quant aux camions ou aux engins agricoles de grande taille, pas de problème. Circulez, il n’y a rien à voir.